vendredi 3 avril 2009

Ulcère de Buruli : maladie négligée, recherche négligée

Le sommet de Cotonou sur les maladies tropicales négligées a permis de s’apercevoir d’une chose : Malgré les avancées faites au cours de la dernière décennie en matière de prise en charge des malades, il y a encore beaucoup à faire en matière de recherche pour mieux cerner les facteurs de développement de la maladie.
Du 30 mars au 3 avril 2009, plus de 300 experts, décideurs et chercheurs ont travaillé ensemble sur la façon de faire front à l’Ulcère de Buruli qui demeure énigmatique.

Jusqu’à ce jour, il est encore très difficile de connaître en Afrique où se trouve le Mycobactérium Ulcerence, responsable de la maladie et la façon dont cette bactérie se transmet à l’homme.

Un chercheur australien à Melbourne, le Docteur Tim Stinear présent à Cotonou s’est à juste titre indigné en ces termes : « On est forcément en retard, il faut accélérer la recherche. La bactérie responsable a été découverte en 1948, 60 ans plus tard les deux questions principales sont sans réponse ».

Le problème aussi c’est que le mode de transmission et le comportement de la bactérie ne sont pas les mêmes dans les zones endémiques selon que l’on se trouve en Afrique ou ailleurs.
Le Professeur Paul Johnson de Austin Hospital de Melbourne, a expliqué qu’en Australie la bactérie a été localisée chez les animaux, or ces animaux ne se retrouvent guère en Afrique, ce qui laisse privilégier la nécessité de faire des tests.

Arriver à vaincre la nébuleuse est la principale préoccupation des laboratoires et centres de recherches sur la maladie.

A l’Institut des médecines tropicales à Anvers à Belgique, une chercheuse Miriam Eddyani fait remarquer que des comparaisons sont faites entre la bactérie prise dans l’environnement et celle portée par des patients afin de connaître avec exactitude le mode de transmission.

Malgré tout, il y a des zones d’espoir qui permettent de miser sur des résultats, car « le génome complet de la bactérie a été décrit, et il y a quelques années c’était inimaginable » s’est réjouie Miriam Eddyani.

Le traitement au moins respire

En Afrique de l’Ouest, la Côte d’ivoire totalise le plus grand nombre d’affections avec 2000 cas par an. Sur la liste s’alignent par la suite des pays comme le Bénin et le Ghana avec environ 1000 cas dans l’année. Ces chiffres auraient suscité le désespoir il y a plus de 10 ans au moment où on ne recourait qu’à la chirurgie pour sauver la vie des patients.

Aujourd’hui, il y a un régime de traitement recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé, OMS et associant deux antibiotiques, l’un injectable, le Streptomycine, et l’autre administré par voie orale à savoir le Clarithromycine.

« Des chercheurs entreprennent d’autres types de recherches pour parvenir à un antibiotique par voie orale uniquement », a informé Miriam Eddyani du Laboratoire d’Anvers à Belgique.


Le Docteur Didier Yao Koffi du Programme national de Lutte contre l’Ulcère de Buruli en Côte d’ivoire continue d’ailleurs à ce sujet de s’interroger : « est-ce qu’on peut arriver à un traitement uniquement par voie orale ? ».

A ce stade du traitement à l’antibiotique, il faut 56 jours pour réussir l’opération, « ce qui est trop » selon le Docteur Koffi.

Un vaccin propre ?

La problématique du vaccin se présente comme un autre grand défi lancé à l’ensemble des acteurs impliqués dans la lutte contre l’Ulcère de Buruli. Pas de vaccin propre pour prévenir de la maladie dans les zones touchées.
Même s’il y a une volonté dans ce sillage, le monde de la recherche semble ne pas se faire d’illusions à ce sujet. Rien ne se fera maintenant et tout de suite, car il faudra beaucoup d’argent et aussi suffisamment du temps pour y aboutir.

« Pour le moment les enfants sont vaccinés par le BCG (vaccin anti tuberculeux) ce qui donne une protection contre les formes graves de l’Ulcère de Buruli. Un vaccin propre n’aiderait pas sauf s’il contient un mécanisme nouveau. Pour l’heure, il n’y a pas beaucoup d’espoir » a informé Miriam Eddyani.

Pour le Professeur Paul Johnson de Austin Hospital de Melbourne, « aucune étude ne permet réellement de juger de l’efficacité du BCG, ce vaccin marche peut être mais pas pour longtemps et le temps de protection est assez court. Il y a aussi un problème de coût et il faut à long termes craindre les effets secondaires »

Pourtant, il y a bien une solution, c’est le diagnostic et le dépistage précoces de la maladie, comme l’a préconisé le Docteur Yves Barogui du Centre de dépistage et de traitement de l’Ulcère de Buruli de Lalo, une localité du Bénin.

« La gravité de l’Ulcère de Buruli n’est pas liée à la morbidité (à peine 2%), mais les séquelles qu’elle laisse. On s’est fixé comme objectif que 5% des malades guérissent sans séquelles, car quand on dépiste on n’a pas besoin de faire de la chirurgie », a-t-il précisé.

L’engagement politique est attendu dans la bataille, et le sommet de Cotonou a notamment permis aux dirigeants africains de saisir la perche tendue par la communauté scientifique et médicale. Ce d’autant plus que la Déclaration de Cotonou a insisté entre autres sur l’appui politique à donner pour le renforcement des capacités des laboratoires nationaux.


Godefroy Macaire CHABI

BENIN : L’infanticide rituel, un fléau du nord du pays

Mohamed Alidou, la cinquantaine, dirige depuis plus d’une dizaine d’années son ONG « Association pour la protection de l’enfance malheureuse », APEM, intervenant dans le Nord du Bénin. Mais il n’a constaté aucune grande évolution dans la façon dont les populations de cette partie du pays abordent la question de l’infanticide rituel.

« Malgré nos sensibilisations et nos campagnes, ça se poursuit et le phénomène n’a guère diminué, nous nous demandons pourquoi les gens ne comprennent pas », a déploré Mohamed Alidou, le regard rempli d’amertume.

Pourtant, la pratique de l’infanticide rituel, a-t-il expliqué, constitue un véritable crime contre l’espèce humaine.

M. Alidou a laissé entendre à Irinnews que la pratique a cours principalement dans les milieux BOO, Baatumbu et Peul.

« Dans les communes de Ségbana et de Kalalé (des communes du Nord), de témoignages émouvants confirment le massacre d'enfants dans ces localités. Beaucoup d'hommes âgés aujourd'hui de plus de 50 ans ont pu échapper à l’exécution de la sentence sociale. »

Pour M. Alidou, « beaucoup d’enfants ont été sauvés par un Chef traditionnel, Omar KY-SAMA, qui les avait récupérés, et leur a redonné le goût de la vie. Ils vivent aujourd'hui en paix à Ségbana formant un grand quartier au tour de l'ancien site royal. »

« D’autres enfants doivent leur vie au Peul qui ont bien voulu les garder ou aux enseignants alors en poste dans la localité de ségbana. Même sauvés et adulte ils traînent avec eux les préjugés néfastes d’enfants sorciers », a poursuivi M. Alidou.

Les formes d’infanticide rituel

Il ya près de huit façons de tuer l’enfant sur lequel pèsent des préjugés dans ces milieux.

M. Alidou a cité des cas d’égorgements, de noyade, d’empoisonnement, d’envoûtement.

A ce registre, a t-il fait remarquer s’ajoutent des cas de privation alimentaire, de fracas de la tête, d’abandon de l’enfant à un endroit isolé jusqu’à ce qu’il meurt sans aucun soutien.

« Quelle que soit la forme employée, le but recherché est toujours le même, à savoir l'élimination physique pure et simple de l'enfant. »

Le plus souvent, a informé M. Alidou, il s’agit d’une pratique secrète et les bourreaux chargés de la sentence ne sont pas connus de la population.

Mais en règle générale, a-t-il dit, lorsqu’un guérisseur fait un mauvais rêve sur un enfant, ses parents n’hésitent pas dans ces milieux à décider de sa tuerie.

Mais il est bien possible selon lui que derrières de telles allégations se trouvent des raisons de jalousie développée à l’endroit des parents de l’enfant
Sorciers

Les bourreaux se comptent le plus souvent parmi les oncles, les parents proches, le conseil de famille et les féticheurs, informe Victor Akpovi, journaliste et auteur d’un magazine sur l’infanticide rituel.

Embrigadés par la tradition et enfermés dans des mentalités rétrogrades, les pratiquants désignent les enfants victimes de l’infanticide par des termes souvent courants dans ces milieux à savoir :"sorcier qui boit le sang humain". C'est aussi le "mangeur d'homme" , "le malfaiteur" ou l’enfant maudit.

Des préjugés socio-culturels

Dans les sociétés du Nord Bénin, la pratique de l’infanticide rituel repose sur des considérations d’ordre culturel, a affirmé M. Alidou.

Les raisons pour lesquelles un enfant est condamné à mort dans ces sociétés du Nord-Bénin par ses propres géniteurs mort sont nombreuses.

M. Alidou a évoqué la naissance avec les dents, la naissance sans cris de l’enfant, la présentation des fesses à la naissance, la présentation des pieds à la naissance, la présentation de la face contre le sol, l’enfant sourd-muet.

Une pluie d’explications

Selon Ya Mouda, une vieille de 70 ans, ces caractéristiques retenues par la société comme étant des malformations ont un sens.

Elle a indiqué à Irinnews que par exemple que « l’enfant qui naît avec la dent est considéré comment venant au monde pour "dévorer" des êtres humains, surtout s'il s'agit d'une fille, elle tue tous ses parents maternels y compris sa propre mère. S'il s'agit d'un garçon, il tuera toute sa famille paternelle en commençant par son père ».

Par ailleurs, elle a expliqué que l’enfant qui présente les pieds à la naissance atterrit sur le monde et prêt à la dominer.

Conséquences dramatiques

Les conséquences sont nombreuses, et M. Alidou Président de l’APEM a notamment souligné les impacts négatifs au niveau individuel et familial avec la possibilité d’une réduction des membres de la famille.

Par ailleurs, selon lui l’infanticide pose un problème de santé publique qui se perpétue dans le pays.

Dans un autre sens, il n’a pas manqué de mentionner l’accroissement du taux de mortalité infantile dans les zones endémiques.

« Nous n’avons pas les chiffres exacts, mais il n’est pas exclu que ce phénomène participe à la mortalité infantile », a-t-il dit.

A Bori, un village du Nord-Bénin, M. Alidou a informé que plusieurs enfants sont encore chez les guérisseurs sous prétexte qu'ils sont "mal nés".
« Ces enfants n'ont pas l'aspect des enfants de leur âge qui sont bien nourris. » a-t-il précisé

Godefroy Macaire CHABI

BENIN : PATRIMOINE CULTUREL

Sauver absolument les archives de radio et de télévision

L’UNESCO a avancé il y a quelques années un chiffre qui donne le vertige : 800 millions d’heures de radio et de télévision sont en danger sous l’effet de plusieurs facteurs. Malgré cela, on n’a pas le sentiment que les choses ont évolué. Car dans de nombreux pays la gestion des archives audiovisuelles reste et demeure un luxe auquel les politiques de développement ne veulent guère souscrire. Ce qui veut tout simplement signifier que la sortie de l’auberge est encore loin pour ces documents porteurs de l’histoire et du vécu des peuples.
Dans les pays du Nord, à quelque exception près, l’indifférence des premières années est en train de céder progressivement la place ces dernières années à une grande solidarité en faveur de ces documents. Ce qui explique, à titre indicatif, la mise en œuvre d’outils technologiques à l’échelle européenne autour desquels sont serties des actions de conservation, de préservation et de sauvegarde.

Puisque l’enjeu est bien à ce niveau, sauvegarder les documents anciens, témoins de la culture des peuples.

L’Institut National de l’Audiovisuel, INA en France a reçu la lourde responsabilité de sauver et d’entretenir plusieurs décennies de radio et de télévision au bénéfice de toute la population française, et notamment dans le grand intérêt de la jeune génération et de la postérité.

Pour la Francophonie, nous sommes en face d’un facteur de diversité culturelle. Cette conviction veut souligner en toute objectivité l’activisme de l’organisation et sa totale implication dans les nombreuses réflexions autour de la sauvegarde.
L’Afrique et l’Asie semblent la plus grande préoccupation dans cette messe d’actions et de projets pour les archives. La mise en œuvre du modèle de numérisation AIME, conçu avec l’aide du Conseil International des Radios et Télévisions d’Expression Française, CIRTEF est symptomatique de cette vision de développement de l’OIF autour du patrimoine audiovisuel. Dans plus d’une dizaine de pays africains dont le Bénin, un travail a commencé. Malheureusement, il ne saurait remplacer les énormes pertes récoltées dans le fond archivistique de ces pays.

Bénin : comment rattraper ce passé?

Toute la question est là. Mais très peu de personnes se la posent. Les archivistes, documentalistes, acteurs en première ligne de la préservation assurément mis en minorité en raison de la dévalorisation de leurs activités ne croient plus tellement à la chose. Difficile d’évaluer avec précision le capital archivistique du Bénin, tant la quasi-inexistence d’un système de gestion pose problème. En outre, beaucoup de documents ont disparu sous l’effet de plusieurs facteurs : négligence, facteurs climatiques, manque de moyens, pénurie de ressources humaines spécifiquement formées.

En l’absence d’indicateurs fiables, on estime dans ce pays à près de 100 000 heures, les pertes enregistrées dans le secteur. Sinon, comment concevoir que moins de 20 ans après, il soit aussi difficile de reconstituer les archives de la Conférence nationale de Février 1990 ? A qui la faute, lorsque la prise de conscience au niveau des professionnels des médias eux-mêmes n’est pas observable et ne préfigure aucun espoir.
Justement, l’espoir ne peut être redoré que sur la base d’un Plan d’espoir en faveur des archives audiovisuelles, déconnecté des autres documents, et qui engage les efforts constants de l’Etat, souligne la responsabilité des acteurs des médias tant du secteur public que privé et aboutit à un projet structurel conçu pour renforcer le suivi des engagements. Ce Plan doit être véritablement conçu comme un instrument-clé de sauvetage immédiat.

Au Bénin, nombre de personnes détiennent des fonds privés, et il est utile de les « associer au sacrifice » pour la quête de l’histoire. Actuellement, les pistes suivent très peu cette direction. Or, il est important d’y recourir en instaurant la réflexion sur les aspects connexes auxquels cette solution fait appel. C’est par exemple la question des droits, dans le sens où il faut rassurer les vrais propriétaires sur la paternité de l’œuvre.

Evitant la disparition totale de son trésor audiovisuel, le Cambodge miné par plusieurs années de guerre a trouvé une formule de perpétuation dans la création d’un Centre National de Ressources Audiovisuelles. Un cadre de fixation et de sécurisation qui donne vie aux documents à travers un dispositif de consultation et d’exploitation.

Le Plan d’Espoir auquel nous faisions référence doit être en mesure de dégager la création d’un cadre de conservation et de consultation dans ses finalités. Ce qui va alors obliger les acteurs impliqués à être plus attentifs à la sauvegarde, condition indispensable à l’enrichissement continu des fonds.

Mais encore faudrait-il qu’il y ait suffisamment de volontés pour y arriver.

Numériser…numériser encore, mais numériser l’essentiel

On ne le dira jamais assez. La numérisation des documents d’archives représente la solution face au péril qui menace les contenus des archives audiovisuelles. Son intemporalité comparée à la caducité des modèles technologiques jusque là utilisés constitue un argument de taille sur lequel les esprits les plus controversés s’accordent. Même si les pays riches ont du mal à s’en sortir en raison du coût élevé de l’opération, c’est Emmanuel Hoog, PDG de l’INA qui affirme que la solution passe indubitablement par là. Pour les pays du Sud, un peu en retrait du continent numérique, ça peut paraître difficile comme approche. Difficile, mais pas impossible.

L’essentiel se situe dans la planification et la méthode. Voilà pourquoi, il faut axer la démarche sur les supports à moindre coût et les critères de sélection des contenus.

Le CD et le DVD d’après certaines études ont une durée de vie d’au moins 100 ans. A certains égards, il est possible de leur faire confiance. Dans beaucoup de pays riches, ces supports sont sélectionnés et servent toujours à la conservation.

Par ailleurs pour minimiser les faramineux coûts, il est illusoire de prétendre tout numériser. Seuls les documents ayant une valeur historique, culturelle et présentant un caractère unique sont à privilégier, si l’on veut atteindre l’objectif éducatif et culturel relié au patrimoine audiovisuel.

Godefroy Macaire CHABI

GBEHANZIN, le rêve inachevé (Film Documentaire en compétition, BENIN, 2007, André Marie Johnson)

Sentiment d’intemporalité

Pour les classes d’histoire, André Marie Johnson constitue ainsi une bonne référence, disons un excellent livre. De la première ligne jusqu’à la dernière, on revisite un homme d’une grande splendeur, d’une touche particulière et d’une projection futuriste abrégée par le temps. L’histoire d’un Roi de l’ex Royaume du Danhomè qui a opposé une solide résistance à la pénétration coloniale. Le partage de la Conférence de Berlin de 1885 n’est pas de son goût. Mais les choses ne se passeront pas comme il l’aurait voulu.
Les chercheurs en sciences sociales, traditionalistes qui prêtent leurs voix apparaissent déjà sous les dehors du monarque. Des témoignages d’une éloquence recherchée avec Elikia Mbokolo, Aimé Césaire, Jean Pliya qui se partagent avec brio le visage du personnage central.
On voit que GBEHANZIN est plus qu’un roi, mais une étoile qui devrait illuminer de sa pensée et de son regard tout un peuple et le conduire vers l’épanouissement collectif qui était son seul souci. La brisure de son rêve n’est elle pas en elle-même un marqueur de sa profondeur existentielle. GBEHANZIN n’aimait pas l’injustice, et c’est ainsi que se résume tout le fondement épistémologique de son combat lapidaire et précaire. Le documentaire nous démontre que pour ses interlocuteurs, il était quasiment meilleur de le circonscrire rapidement, avant qu’il ne devienne dangereux.
La sanctuarisation de l’héroïsme apparaît comme le fil d’Ariane de ce documentaire qui part de GBEHANZIN pour attirer l’attention sur quantité d’autres figures de proue d’Afrique et d’ailleurs qui tombent remarquablement dans l’oubli collectif. C’est donc une invite au devoir de mémoire et à l’évitement de l’oubli qu’on peut déceler entre les lignes de ce film.
La variation des espaces de tournage (Martinique, Algérie, Bénin, France) constitue une traçabilité complète de l’engagement d’un personnage imbu de sa personnalité à mesure que grandit en lui le sentiment d’une injustice qu’il n’a pas réussi à résorber.
Ce documentaire va marquer tout le monde non point pour faire plaisir à l’auteur, mais parce que ce dernier aussi a eu le trait de génie de trouver la bonne âme pour ce travail qui mêle de nombreuses techniques documentaires pour élaborer le message.

Godefroy Macaire CHABI

L’affiche du film : Renvoi ou trompe l’œil ?

Qu’on se le tienne pour dire ! L’affiche du film va avoir à jouer davantage un rôle majeur dans le corpus de réflexion cinématographique et va réussir à s’imposer comme un poste clé dans la compréhension et l’exégèse de l’œuvre. Ces 10 dernières années, les cinéastes africains semblent en avoir cerné tout le sens et le contenu. Ce qui les oblige à voir dans l’affiche plus qu’une formalité à laquelle tout réalisateur ou producteur doit souscrire.
L’âme de cet élément transcende selon des professionnels la signification de la bobine et veut être le premier lien intimiste entre le public et l’œuvre.
Le caractère généralement insidieux et « l’effet communication » engendré par cet outil ne saurait être un prétexte à quelque complaisance que ce soit. L’affiche n’est pas ici entendue comme ce qu’on met en place lorsqu’on a fini l’essentiel. Elle représente aussi cet essentiel et son abord devrait appeler de la part de la chaîne de production plus de professionnalisme et de génie pour accoucher d’un idéal cinématographique clair, synthétique et représentatif. En réalité, l’affiche est une schématisation de l’œuvre et devrait procéder d’un langage intelligible, structuré et synergique avec le produit.
C’est en observant le caractère représentatif de l’affiche qu’un grand théoricien à l’image de Godart a pu dire que tout part de là et tout y converge. Le cinéma africain de la dernière décennie dans sa phase de développement et de raffermissement semble malgré sa volonté privilégier la beauté plastique voire industrielle de l’affiche là où les aînés des premiers jours se concentraient sur le message. Une tendance à renverser si l’on veut aller dans la direction d’un cinéma global.
A cette 21ème édition du FESPACO, et pour la première fois, un Prix de l’Affiche du film sera décerné. La joie de voir en cela un encouragement de la collaboration artistique semble doublée d’un sentiment de réserve pour ceux qui craignent de voir le génie de l’auteur négligé au profit d’une esthétique industrielle, qui malheureusement aveugle encore littéralement le cinéma africain.


Godefroy Macaire CHABI

CŒUR DE LION, Boubakar Diallo (Burkina Faso)

Au cœur de l’esclavage

Quel est ce lion qui sème autant de panique et de zizanie dans le village ? Samba semble le plus préoccupé, car il n’a aucune intention de lui confier le sort de son bétail. Il va à la recherche du fauve, mais se voit subtiliser sa queue par Tanko le chasseur qui se tient dans la brousse au bon moment. Rien maintenant ne prouve à personne, même pas à sa femme que Samba a été capable d’une si grande prouesse.
Avouons que Boubakar Diallo, le réalisateur provoque un effet « cheval de Troie » ou « trompe l’œil » dans ce film qui traite principalement de l’esclavage, mais qui a le don de distraire tout au début.
Rapidement après la psychose passagère du lion affamé, les villageois semblent moins préoccupés par les vaches qui meurent que par les hommes et les femmes qui disparaissent, les assassinats fréquents, les hommes enchaînés dans la forêt, les jeunes filles soumises aux appétits sexuels des négriers adoubés par Kouta, le Chef de village. Ce dernier plus fasciné par l’appât du gain facile et prêt à toute concession, même les plus sordides, replonge dans l’image de l’Africain complice de l’horreur : la traite négrière.
Comment qualifier un berger qui traque avec si tant d’allant et d’ardeur un lion ? A travers Samba, c’est le courage rigide de ces africains, accrochés à leur fierté et à la défense de la conscience collective que le réalisateur nous montre. « Lorsque le lion s’attaque à ma vache, je deviens chasseur » a déclaré Samba.
On voit bien que pour combattre le mal, « l’homme bon » peut rapidement devenir méchant et imprévisible, au point où il devient facile de faire passer la crinière du lion à Samba plutôt qu’au lion lui même. Ce glissement de l’image bucolique et attachant du berger vers une réalité beaucoup plus agressive et acrimonieuse laisse le soin au spectateur de deviner que le réalisateur traite d’une réalité assez grave dans ce film.

Mais ce film fait appel à un complément évolutif qui s’est uniquement joué dans l’imaginaire de Boubakar Diallo, avec le scénario en échec des négriers qui malgré tout l’investissement n’ont pu faire passer les captifs. Aurions-nous pu imaginer cela il y a plus de 400 ans en pleine traite négrière. Il y a ainsi comme une envie non assouvie de l’auteur qui aurait voulu voir dans l’esclavage, une victoire des faibles sur leurs bourreaux. Aurait-on pu recréer l’histoire jusqu’à ce point ? En 92 minutes, ça risque franchement d’être irréaliste et fantaisiste…. Il aurait fallu que le réalisateur ne traitât que de l’amour pour paraître pertinent et moins vague dans ses approches. Malheureusement moult sentiments s’entrecroisent dans ce cinéma (la méchanceté, la vengeance, la haine, le surcroît de personnalité) où une fois encore l’Afrique est montrée dans un grand classique digne d’un bon film africain de la fin des années 90.




Godefroy Macaire CHABI