vendredi 26 septembre 2008

Bénin : La crue du fleuve Ouémé provoque risque de famine et maladies

Godefroy Macaire CHABI

Environ 57 000 personnes vivent en perpétuel danger de famine et de sous alimentation chronique dans la commune de Adjohoun à l’Est de Cotonou depuis le mois de Juillet. Plus de 2000 autres, notamment les enfants ont besoin d’un accès rapide aux médicaments et aux soins de santé. En effet la crue du fleuve Ouémé, l’un des plus importants du pays a eu d’importants impacts sur les cultures, les eaux ayant détruit plus de 25 000 hectares de terres. Plus de 18 000 habitations sont dans l'eau.

« La crue de cette année est arrivée précocement et a emporté beaucoup de nos cultures vivrières à savoir patate, maïs, gombo, haricot. On a de sérieux problèmes.», s’est lamenté Gabriel Assogba, natif de la commune Adjohoun et conseiller communal

« Présentement on n’arrive pas à manger, les gens ne peuvent plus manger trois fois dans la journée. Même trouver de la nourriture une seule fois dans la journée est devenu un grand casse-tête. En temps normal, ici les produits agricoles sont vendus et achetés à vils prix. Aujourd’hui, les choses ont changé. Les enfants sont malades et attrapent des maladies, notamment le paludisme, la diarrhée », a poursuivi M. Assogba

Sur le terrain, on craint les risques de choléra, mais heureusement, on en est pas encore là, « mais le risque est là, car la même eau est utilisée pour tous les besoins », a reconnu, le Secrétaire général de la Mairie, Armel Assogba.

Sans agents de santé, le risque humanitaire devient plus inquiétant, car parfois, les hôpitaux sont désertés par ceux-ci, ne sachant plus où se mettre pour faire leur travail.

Le phénomène a également rendu impossible la pêche, dans cette région de la vallée de l’Ouémé, où cette activité nourrit plus de la moitié de la population, après les activités champêtres.

« Pas de poisson, c’est tragique, les poissons se sont éparpillés et il est impossible d’en trouver », s’est plaint Saliou Assogba.

Même si des pertes en vies humaines ne sont pas signalées, d’après les enquêtes réalisées par les autorités communales, le phénomène a provoqué la disparition d’une grande partie du cheptel. On situe à 5000 le nombre d’animaux morts noyés.

La crue du fleuve Ouémé se produit annuellement. Pendant ce temps, les eaux montent et inondent les zones habitables.

Sur les 8 arrondissements que compte la commune, seul l’arrondissement de Awounou est épargné. 3 autres arrondissements sont cruellement touchés par le phénomène.

« L’eau nous arrive jusqu’au cou dans l’arrondissement de Gangban. Les maisons sont envahies. Les gens ont fui pour trouver refuge ailleurs. C’est trop. Si tu n’as pas de pirogue tu ne peux pas circuler », a témoigné Justin Hounkponou, qui vient d’obtenir son baccalauréat.

Il raconte que son père, cultivateur a perdu 7 hectares de cultures et n’espère désormais plus rien
Face à cela, de nombreuses personnes ont été obligées de se déplacer pour se réfugier dans les régions plus paisibles, à la recherche de la pitance quotidienne. On estime pour l’heure à près de 2000 personnes, le nombre de déplacés

Il y a quelques jours, c’est le maire d’Adjohoun, Gérard Adounsiba qui lui-même a lancé un SOS aux autorités nationales et aux bonnes volontés afin de venir au secours de la population qui traverse une crise humanitaire sans précédent dans la localité.

Globalement, l’alerte donnée par le Maire porte sur l’apport nutritionnel, le soutien médical et l’appui au relogement des sinistrés.

Il y a moins d’une semaine, la préfecture de l’Ouémé-Plateau dont dépend la commune a déjà fait don de quelques vivres et de médicaments à la population pour la soulager du poids de la situation.

Au plan national, même si la Direction de la promotion de la protection civile, DPPC a entrepris une visite de terrain, les autorités gouvernementales attendent encore le rapport de la mission d’évaluation du phénomène pour mesurer l’ampleur du soutien à apporter, ont expliqué les responsables communaux.

A moins d’un mois de la nouvelle rentrée académique, l’inquiétude ne cesse de s’accroître. Les parents n’arrivent pas à répondre encore à une question. Où trouver l’argent pour inscrire les enfants ? Les inscrire, mais dans quelles classes? se demande t-on encore

« Nous ne pouvons pas reprendre les cours, comme les autres communes du pays. Car les écoles sont inondées. C’est vraiment difficile », s’est apitoyé Gabriel Assogba, conseiller communal.

La crue du fleuve Ouémé, phénomène annuel n’est pas à confondre avec les inondations qui elles sont occasionnées par les fortes pluies qui s’abattent notamment sur la capitale économique, Cotonou. Près de 500 000 personnes y sont potentiellement menacées par les inondations cette année.

Bénin : Avoir de l’eau potable en 6 heures de soleil

Par Godefroy Macaire CHABI

Savez vous que chaque individu peut rendre potable une eau contaminée, simplement en l'exposant au soleil pendant six heures dans une bouteille transparente ? Idéalement, une bouteille en PET (Polyéthylène téréphtalate) ou, à défaut, en verre non coloré. C’est ce qu’on a appelé la désinfection solaire de l’eau, SODIS. Une technique introduite au Bénin par le Centre Régional pour l’eau potable et l’assainissement, CREPA. Dans ce pays, à peine la moitié des citoyens ont accès à une eau potable de qualité dans les villes et le pourcentage tombe à 40% dans les campagnes. Résultat: 300 000 cas de diarrhée et de malaria par année, selon le ministère de la Santé.

« La lumière du soleil et les rayons ultraviolets tuent impérativement les microorganismes pathogènes contenus dans l’eau. Une action se produit ainsi entre les rayons ultraviolets et la température de l’eau quand elle dépasse 45 degrés. » a fait remarquer Yédjilè Gbèdo Adissoda, qui s’occupa principalement de SODIS au sein du Centre Régional pour l’Eau potable et l’Assainissement, CREPA.

Mme Adissoda sait certainement de quoi elle parle, puisque qu’au laboratoire situé dans l’enceinte du CREPA à Cotonou l’analyse bactériologique a permis d’observer qu’un nombre important de coliformes (indicateurs de pollution de l’eau) disparaissent après l’application de SODIS.

« Puisque nous n’en sommes qu’au début, nous avons pu remarquer que les microbes diminuent drastiquement, mais nous ne pouvons dire avec précisions à quel taux ils diminuent. Ce qui est sûr l’eau traitée au SODIS n’est plus la même qu’au début », explique un technicien de laboratoire qui a travaillé sur les échantillons.

Si les bouteilles d’eau ne restent pas la durée nécessaire au soleil, l’eau ne sera pas bonne à boire et pourra causer des maladies. Si le soleil n’est pas assez fort, dû à des nuages ou un climat moins ensoleillé, une durée d’exposition plus longue est nécessaire, indique dans une étude l’Institut fédéral suisse pour l’aménagement, l’épuration et la protection des eaux (EAWAG), initiateur de SODIS dans le monde.

En effet, des études réalisées par EAWAG ont révélé que les rayons du soleil produisent des formes très réactives d’oxygène dans l’eau. Ces molécules réactives contribuent au processus de destruction des micro-organismes. L’eau qui contient assez d’oxygène (plus de 3 mg d’oxygène par litre) ne doit pas être aérée avant l’application de SODIS.

Une chose est à surveiller, lorsque l’eau traitée n’est pas immédiatement consommée, le risque d’une recontamination est possible.

« Il se pourrait qu’en raison de ce que tous les microbes ne sont pas tués, ceux qui restent vont coloniser l’eau et provoqué un repeuplement microbien », a souligné Alain KISSI un chercheur béninois en sciences de l’eau.

C’est aussi une méthode qui demande beaucoup de patience. Car lorsqu’il y a un faible ensoleillement, il faut deux jours pour que ça fonctionne. Inutile dans ces conditions d’y recourir en période de pluies.


Des résultats probants

Dans le village de Sèkandji, à la périphérie Est de Cotonou choisi comme base expérimentale, « cela a tellement bien marché, les populations étaient très enthousiastes de savoir qu’elles pouvaient maintenant consommer de la bonne eau », s’est réjouie Yedjilé Gbedo Adissoda, la responsable principale du projet SODIS au CREPA.
Le Directeur résident du CREPA, Paul Yadouléton, n’a pas un avis contraire. Il confirme que lorsque les populations ont comparé l’eau traitée au SODIS à ce qu’elles avaient l’habitude de consommer, elles notent une différence considérable ».

Derrière son étalage de divers produits dans le petit marché de Sèkandji, Marthe Gnona, la quarantaine montre avec fierté sa gourde remplie d’eau. On peut bien deviner qu’elle fait allusion à un succès.

« Cette eau je l’ai traitée hier et déjà aujourd’hui j’arrive à la boire. Quoi de plus intéressant ? Le goût est agréable. C’est comme l’eau du robinet et désormais, je n’ai pas besoin de me faire du souci », s’est elle satisfaite.

Comme l’eau du robinet exploitée par la Société nationale des eaux du Bénin, la SONEB reste très loin de la majorité des populations rurales, le Directeur de CREPA-BENIN, Paul Yadouleton estime que SODIS représente une vraie solution économique.

Puisque les bouteilles en plastique utilisées se vendent à 25 FCFA ou 50 FCFA.
Ces bouteilles ont été soigneusement étudiées et leur réutilisation ne pose aucun problème de santé, mieux les plastifiants ne diffusent pas suffisamment dans l’eau, indique d’ailleurs une étude réalisée par le Département Eau et assainissement dans les pays en développement, de l’Institut suisse EAWAG.

Ce n’est pourtant pas la panacée

Selon le CREPA, des études d’impact réalisées chez les personnes appliquant SODIS dans le monde ont révélé une baisse drastique du taux de diarrhéiques dans le monde entre 20% à 70%.

Mais, il est loin d’y voir la solution apogée. Car, on ne peut recourir à SODIS par effet de mode. D’ailleurs les contraintes auxquelles fait appel son expérimentation représente un frein. Car n’oublions pas qu’il faut une bouteille, guetter le soleil et patienter que la bouteille fasse 6 heures de temps au soleil.

« Lorsqu’il y a une bonne couverture en eau potable, le problème ne se pose. SODIS est conseillé quand il n’y a pas de l’eau potable », a indiqué une source proche du Ministère béninois de l’eau.

En règle générale, les populations pour contourner les difficultés d’accès à l’eau potable expérimentent des procédés locaux. Il s’agit entre autres de l’ébullition, la filtration, la sédimentation, la chloration.

« Pour ce que nous en savons et les bienfaits que cela apporte à beaucoup de personnes maintenant, nous estimons qu’elle fera école dans les stratégies des autorités nationales dans les pays africains dans le cadre des stratégies de lutte contre la pauvreté ».

Des pays en développement en Afrique comme le Burkina Faso, le Togo, le Sénégal, la Sierra Leone, le Ghana, l’Ouganda, le Kenya, la Guinée l’expérimentent déjà.

A la Société nationale des eaux du Bénin, SONEB, même si on porte des gants pour ne pas vanter une méthode qui viendrait à concurrencer les prestations offertes, on sait qu’il y a un enjeu social qui va au-delà de tout, a savoir l’accès massif à l’eau potable.

Un haut responsable de la Société qui a accepté de s’exprimer sous le couvert de l’anonymat a d’ailleurs déclaré « qu’en attendant que la SONEB ne couvre tout le territoire national en eau potable, il faut saluer l’intérêt que SODIS peut représenter à la population. ».

Seulement pour y arriver, il est important de tenir compte de plusieurs facteurs que sont les besoins de traitement de l’eau, l’état de santé de la population, les conditions climatiques et la disponibilité des bouteilles.

Article réalisé dans le cadre du projet d'articles transfrontaliers pour le programme de mentorat de la Fédération Mondiale des journalistes scientifiques