mercredi 29 octobre 2008

BÉNIN: La peur du VIH fait fuir les donneurs de sang

COTONOU, 21 octobre 2008 (PlusNews) - La peur d’être testé positif au VIH, le trop faible nombre de donneurs et le manque de formation des travailleurs sanitaires ont mené le Bénin à se retrouver dans une situation de pénurie de sang dangereuse, a prévenu le responsable de l’association nationale des donneurs de sang. Selon Rynce Agassoussi, président de l’Association béninoise des donneurs bénévoles de sang, depuis le début de l’année 2008, le sang fait cruellement défaut dans huit des 12 banques de sang du pays. La situation est moins critique dans les quatre banques des départements restants –l’Atacora et Donga, dans le nord, et le Mono et Couffo, dans le sud- grâce au Projet d’amélioration de la sécurité transfusionnelle, PASTAM, mené par la coopération belge. Le taux de couverture laisse « au moins 25 pour cent des gens [en attente de sang] mourir bêtement », a regretté M. Agassoussi, notant cependant qu’il était difficile de savoir combien de personnes étaient décédées par manque de transfusion sanguine, dans la mesure où les hôpitaux n’indiquaient pas cela comme cause du décès. « Au CNHU [Centre national hospitalier et universitaire, le plus grand hôpital du pays, à Cotonou], tous les soirs, des gens arrivent, en détresse. Ils ont des parents qui ont besoin de sang, mais impossible parfois de leur trouver la moindre goutte. Ils repartent bouleversés », a-t-il dit. Le professeur André Bigot, chef de service de la banque de sang au CNHU, a dit à IRIN que la situation était grave. « Nous avons eu des [patients atteints de] leucémie, de drépanocytose, qui avaient besoin de sang mais n’en ont pas eu », a-t-il dit.

Manque de matériel

Le manque de matériel constitue l’un des multiples obstacles au don de sang, a noté M. Agassoussi. « Parfois le donneur est disponible, mais il n’y a pas de poche pour recueillir son sang », a-t-il témoigné. Selon Augustin Vodounon, technicien de laboratoire au service départemental de prélèvement du sang à Cotonou, « l’absence de matériels ne date pas d’aujourd’hui, mais ces derniers mois, la situation est devenue intenable. Il y a pénurie notamment de réactifs dans tout le pays. On ne peut pas prendre le sang sans le tester ». L’association des donneurs estime qu’il faudrait jusqu’à deux millions de dollars pour acheter suffisamment de réactifs pour couvrir l’ensemble des besoins du pays. Le ministère de la Santé alloue 1,2 million de dollars au fonctionnement des 12 banques de sang du pays, selon M. Agassoussi. Les procédures de passation de marché et d’approvisionnement en réactifs sont longues, et sans ces produits, le sang collecté ne peut être utilisé, a-t-il ajouté.

La peur du VIH

Paradoxalement, ce sont les tests permettant de garantir la sécurité du sang qui découragent certains donneurs, a expliqué M. Agassoussi. « Beaucoup [de gens] ont peur de venir donner leur sang car ils craignent que les analyses ne révèlent qu'ils ont le VIH. Les gens ont aussi peur de beaucoup d'autres maladies comme l'hépatite. C'est une réalité à laquelle on est confronté », a-t-il dit. « Nous pensons que la [baisse du nombre] de donneurs ces dernières années s'explique en partie par cet état de chose, même si il y a beaucoup d'autres raisons ». Une crainte qu’Alain Boton, un étudiant, a confirmée. « Jamais je ne [donnerai mon sang] », a affirmé le jeune homme. « Je sais très bien que les gens ont besoin de sang, mais il ne faut pas qu'en allant les sauver, je me créé des problèmes psychologiques. Je préfère vivre paisiblement comme si de rien n'était ». Un habitant de Cotonou, qui s’est présenté comme Benoît N., a dit qu’il n’accepterait d’être donneur qu’à une condition. « S’il n’y avait pas de tests, je donnerai volontiers mon sang. Mais à partir du moment où mon sang est soumis à différents tests qui peuvent révéler des maladies douteuses, j’aurai des problèmes ». Les gens prêts à donner leur sang existent, particulièrement parmi les étudiants, a noté M. Agassoussi, mais ils sont peu fiables. « Nous collectons généralement deux fois plus de sang parmi les étudiants que dans les centres de dons. Mais lorsque vient le moment des vacances ou des examens, ils disparaissent ».

Problèmes du système de santé

Le responsable national du PASTAM, le docteur Edgar Lafia, a estimé que les pénuries de sang étaient également en partie dues à un système sanitaire désorganisé. « Il faut une infrastructure d’accueil, un laboratoire bien équipé, des réactifs disponibles et un personnel qualifié », a-t-il noté. Le gouvernement a néanmoins fait des efforts pour améliorer le système au cours des dernières années, selon lui, avec le soutien de coopérations bilatérales, notamment la Suisse, la Belgique et l’Allemagne. M. Bigot, du CNHU, a aussi pointé du doigt les multiples grèves nationales de personnels de santé réclamant de meilleures conditions de travail. « L’engouement des donneurs a pu s’émousser s’ils ont été reçus par des travailleurs sanitaires démotivés, frustrés par leurs conditions de travail », a-t-il dit. Au Bénin, les donneurs réguliers et les donneurs fidèles ne dépassent pas les 4 000 par an, sur une population de près de huit millions d’habitants, selon l’association nationale des donneurs bénévoles de sang. A ces donneurs réguliers s’ajoutent les donneurs occasionnels : ils étaient 15 000 en 2007. Avec les grèves enregistrées en 2008, M. Agassoussi craint que les dons connaissent une baisse cette année.

Les patients se tournent vers l’extérieur

Face à la situation de crise, de nombreuses personnes se sont tournées vers des pays voisins, notamment le Togo et le Nigeria. « Il y a quelques jours, j’ai été obligé d’aller acheter du sang au Togo, je n’avais plus le choix », a dit à IRIN Aline, qui s’était, dans un premier temps, adressée au CNHU de Cotonou pour trouver le sang dont sa mère malade avait besoin. Pour M. Bigot, « c’est une honte qu’on en soit arrivé là ». Au Bénin, une poche de sang subventionnée par le gouvernement coûte l’équivalent d’environ quatre dollars, alors que les patients payent trois à quatre fois plus cher hors du Bénin. Face au danger, la banque de sang du CNHU, dont la mission principale est le stockage des lots sanguins, s’est reconvertie dans le prélèvement des dons. L’association des donneurs bénévoles tente quant à elle de mobiliser les populations pour les inciter à se rendre dans les centres de collecte. « Si le tapage sur le don de sang était le dixième de ce qu’on fait sur le sida, on pourrait éviter beaucoup de dégâts et de pertes en vies humaines », a dit M. Agassoussi

Godefroy Macaire CHABI

Notre pensée positive pour les archives audiovisuelles

Le 27 octobre, l'UNESCO a convié l'ensemble de la communauté à dédier la journée aux archives.

J'en profite pour rappeler à l'attention de tous, la menace qui guette les archives audiovisuelles, notamment les professionnelles des médias audiovisuels.

La valeur éducative et didactique des archives est incommensurable.

Il y a des moyens d'éviter une telle catatrophe. Ne loupons pas l'occasion de nous y consacrer. Car le chiffres sont troublants: plus de 800 millions d'heures de radio et de télévision sont en danger de disparition, si l'inaction et l'indifférence deviennent la règle.

Passez le message à tous!

Godefroy Macaire CHABI

BENIN : L’essence de la contrebande menace la sécurité des populations

Paul Kessou jure presque lorsqu’il en parle : « Je ne laisserai jamais cette activité, car c’est elle qui me procure encore le petit bonheur que je vis actuellement ». Et ce jeune de 28 ans et père de deux enfants n’entend faire aucune concession là-dessus.

Pourtant, ce commerce fait moins de bien que du mal dans le pays. Au Ministère du commerce, on estime à près d’un millier par année le nombre des victimes de l’essence au Bénin.

« Ce commerce fait des victimes chaque jour, l’Etat doit vraiment prendre ses responsabilités, dans un pays sérieux ce ne sont pas des choses à tolérer », a réagi Fatim Abdoulaye, une jeune commerçante du centre ville de Cotonou.

Cette essence est appelée « Kpayo », ce qui signifie en langue fon « mauvaise qualité », en raison de sa forte teneur en plomb, propice à la fumée qui s’échappe de l’échappement des motos et des véhicules qui l’utilisent.

La proximité du Bénin avec le Nigéria, grand producteur du pétrole favorise le développement de cette activité.

« Le long des zones frontalières du sud au nord du pays, des milliers de grossistes font entrer le produit sur le territoire national à un rythme inquiétant, et cela constitue aujourd’hui une vraie menace pour la sécurité des populations béninoises de l’intérieur», a informé le Directeur de la promotion du commerce intérieur, Claude Allagbé.

Un commerce dangereux


« N’importe qui achète et vend l’essence Kpayo, à partir de ce moment, on peut s’attendre à tout », s’est indigné Wilfrid Mongazi, spécialiste de l’environnement

Effectivement, la manipulation à grande échelle de l’essence a déjà créé d’énormes dégâts dans le pays, en provoquant de nombreux incendies.

En 2006 à Porga, une ville moyenne située à la frontière avec le Burkina Faso dans le nord du pays, des dizaines de personnes ont trouvé la mort en allant recueillir de l’essence qui s’échappait d’un camion citerne. Parmi ces personnes, des femmes, des enfants à bas âge et des bébés.

En Juin 2008, une pharmacie de Cotonou a été gagnée par des flammes lorsqu’un étalage d’essence se situant à proximité à pris feu.

En 2007, un homme est mort calciné à un grand carrefour lorsque le liquide qu’il transportait sur son engin s’est mis à couler pour toucher son moteur.

Au cours de la même année, un gendarme du nom de Narcisse Akpadji qui roulait sur son engin à une heure de pointe de la soirée à Cotonou a subi une brûlure mortelle, lorsque le bidon d’essence que transportait un taxi moto a explosé.

En 2006, à Ouagbo une campagne située à plus de 100 km de Cotonou, un camion qui fait régulièrement la transaction entre le Sud et le nord du pays s’est renversé et son contenu a pris feu faisant un mort.

Il a quelques jours, en voyant les bouteilles d’essence aux abords des principales voies de Cotonou, des occidentaux en visite au Bénin ont pensé que le pays était un producteur du vin. En apprenant qu’il s’agissait de carburant, ils se sont exclamés : « vous allez brûler tout le pays ! »

Un Etat dépassé parfois par la situation

Face à cela, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures : l’interdiction formelle du commerce de l’essence, la reconversion des vendeurs à d’autres activités et l’encouragement de la construction des stations trottoirs.

Cette dernière mesure s’applique avec satisfaction, plus de 150 stations trottoirs ayant été construites dans le pays depuis 2007, selon M. Allagbé.

Quant aux autres mesures, elles semblent marquer le pas pour diverses raisons.

L’opinion publique évoque la précipitation qui entoure les décisions sans tenir compte des facteurs sociologiques et les calculs politiciens des dirigeants, conscients du vivier électoral que représentent les acteurs de ce commerce.

Pour Bernard Dossou Dossa, Président de l’Association béninoise des consommateurs Que Choisir Bénin, « c’est l’Etat qui ne joue pas son rôle. Si on avait des responsables dignes du nom on en serait pas là »

Plus de 70% du marché de l’essence est dominé par l’informel, a indiqué M. Allagbé.

Dans tout le pays, il est facile de voir aux abords des rues des bouteilles disposées sur des tables, au mépris de toutes réglementations. De même, le spectacle des conducteurs de taxi motos transportant parfois sur un même engin trois ou quatre voire cinq bidons de 50 litres d’essence.

En 2005, a précisé M. Allagbé, 245 millions de litres d’essences en provenance du marché nigérian ont regagné les rues du Bénin contre 36 millions de litres dans les stations réglementaires. En 2007, l’essence du marché noir a atteint 551 millions de litres pendant que le marché formel n’a commercialisé que 81 millions de litres.

Le litre de ce carburant est vendu à 375 FCFA contre 650 FCFA dans les stations service.

Godefroy Macaire CHABI

Film: Africa Paradis du béninois Sylvestre Amoussou

Blanc sur noirs…basculement

Il y a ici quelque chose de vraiment décapant. L'Europe sombre et vit sa galère. L'Afrique entre dans la prospérité et l'opulence puis se pose comme alternative. C'est l'hémorragie des Blancs vers le continent noir à la recherche de l'Eldorado perdu. Olivier et Pauline sont emblématiques d'un destin collectif qui s'écroule. Ils mettent tout en œuvre pour voyager vers cet ailleurs rempli de promesses. Faux papiers, voyage clandestin…. Sur place, c'est la mésaventure : sales boulots, tracasseries avec la police et l'immigration, chasse à l'homme et expulsion.Le scénario joue l'inversion des rôles. Ce sont les Blancs qui doivent maintenant vivre leur part du drame noir en Occident. À eux de vivre les sensations, les visions et les approches des immigrés Noirs.Africa Paradis oppose deux visions du monde. La vision noire feutrée qui entend se sortir d'une injustice en se projetant dans un avenir radieux et lavé de malédictions. La vision blanche, implacable, marquée ici par une certaine fierté incontrôlée, mais rapidement inversée par l'inattendu. Et ce sont ces deux visions qui créent le basculement, trame de fond de ce film. Basculement, on le voit bien dans le sort de deux mondes que tout semble confiner dans une immuabilité. Basculement dans le destin de Pauline et Olivier qui débarquent en Afrique avec un projet commun. Mais l'un se révolte, l'autre pas. Comme eux, beaucoup de "sans voix" vivent cet isolement dramatique. Basculement aussi pour le député Modibo Kodossou défenseur d'une intégration ou d'un maillage inter sociétal. Lui qui finit par s'éprendre de Pauline par la force d'un simple engagement politique. Devrions-nous y voir une invite à l'effondrement des barrières pour construire un monde plus juste, serti sur la prise en compte des diversités ? Sylvestre ne traite-t-il pas ici de façon lisse et novatrice la question de l'immigration avec de nouvelles approches fondées sur le respect de l'humain tout court ?Effectivement, il y a dans Africa Paradis, un aller-retour de regards. Sylvestre suggère que le Noir en position de force développe le même regard que le Blanc. Les fragiles réflexes de Pauline ne tiennent pas le choc face au discours et au regard du député Yokossi et du commissaire, encore moins aux propos naïfs mais sensés de la fille de Modibo. Une appréciation hâtive pourrait y déceler l'apologie du racisme. Ce qui de toute évidence ne permettrait pas de traduire la pensée de Sylvestre. En clair, le député Yokossi et ses suppôts incarnent en tout une "extrême droite africaine" se nourrissant de l'Occident par opposition à une gauche minoritaire dont Modibo est le porte étendard. Partir de l'Afrique pour montrer l'Europe dans son quotidien, est manifestement le désir de Africa Paradis. Partir de l'Afrique pour montrer l'Afrique reste aussi calé dans le projet. Ce qui introduit tout simplement l'image d'une auto culpabilité qui prend appui sur querelles intestines, intrigues diverses et violences gratuites.Voilà la question que ne cesse de poser ce film, non sans une certaine gravité. Juste un moment de vraie hilarité, lorsqu'au parlement on pose une question à Modibo distrait par une caricature. "Qu'est ce que vous pensez de cette éruption volcanique ?" Réponse "Je suis contre". Tout le reste du temps, on s'interroge. Les jeux de lumières sombres sur les visages et les nuances qu'ils introduisent puis les illustrations par la musique originale composée par Wasis Diop évoquent peur, anxiété et doute. Avec des acteurs qui jouent bien leur rôle : Sylvestre Amoussou devant et derrière la caméra, Eriq Ebouaney tient bien son personnage comme dans Lumumba ; Cheik Doukouré, malgré de timides apparitions, en impose. Il y a bien entendu Sandrine Bulteau qui non seulement produit mais joue.La fin est presque pathétique. Et pour les Noirs. Et pour les Blancs. On est donc tous dans un mélodrame. C'est sans doute le courage que Africa Paradis a de poser le problème et de foncer dans ses approches qui lui a valu l'accueil très réservé au niveau de la distribution en Europe.Ce cinéma est bon, il distrait et remobilise vite. Paradoxalement, comme premier long métrage du réalisateur, il annonce une carrière non pas paradisiaque, mais d'enfer.

Godefroy Macaire CHABI

Africa Paradis, de Sylvestre Amoussou, Bénin, 86'. Scénario : Sylvestre AMOUSSOU et Pierre SAUVIL. Images : Guy CHANEL. Musique : Wasis DIOP. Avec Eriq Ebouaney, Sylvestre Amoussou, Émile Abossolo M'Bo, S. Roux, Sandrine Buteau. Sortie : 28 février 2007

Biographie du réalisateur

Agé de 44 ans, Sylvestre Amoussou vit en France depuis une vingtaine d’années. Il a commencé sa carrière comme acteur. Comédien de théâtre, de cinéma et de télévision, Sylvestre est devenu réalisateur par la force des choses. En France, les propositions de rôles pour les africains sont rares. Alors, Sylvestre à la recherche d’un canal d’expression embrasse le travail de réalisateur, et dans cette cordée il réalise « Africa Paradis ».
Comme Réalisateur, il a à son actif deux courts métrages : Les scorpionnes (1997), Africa Paradis (2001, en court Métrage). Puis il a réalisé une série de trois épisodes, « Achille » avant de mettre à l’écran en 2006 le long métrage de Africa Paradis.


A propos de Africa Paradis, voici que le réalisateur déclare :

« J’ai décidé que l’Afrique est devenue un continent riche et l’Europe est devenue totalement décadente. Donc l’immigration change de camp. Et c’est les Blancs, les Européens qui vont au consulat des Etats-Unis d’Afrique pour demander un visa pour se rendre en Afrique. Et évidemment…on leur refuse le visa et ils décident d epartir clandestinement. Dans ce film, on voit enfin les européens vivre…..en fait…un tout petit peu ce que peut vivre un immigré quand il vient en France ».

LIVRE: Pourquoi l’Afrique pleure et s’enfonce ? Les vraies causes et solutions de la misère africaine

L’agronome plante ses idées pour l’Afrique

Ce livre est bon. Et pour cette raison, les avis vont certainement diverger là-dessus. Le livre de Roland Holou est révolutionnaire et assez bien inspiré. Il ne répond pas forcément avec plénitude à la question qu’il pose, mais rare sont les ouvrages qui ratissent si large dans les idées. Le style n’est pas très châtié, seule la profondeur compte dans un ouvrage du genre. Mais avec ce qu’on y lit, il est très facile de voir en ce bouquin une petite révolution et une teinte de témérité. Car chaque page vogue entre tabous et interdiction dans un contexte où dire certaines vérités relève d’un véritable travail d’Hercule.
En réalité, « Pourquoi l’Afrique pleure et s’enfonce ? » dit tout haut ce que les autres pensent tout bas et apparaît ainsi comme un empêcheur de tourner en rond. Car selon Roland Holou, l’Afrique a trop perdu du temps et court le risque d’en perdre davantage si l’inconscience et la complaisance prédominent et restent les seuls étalons du développement.

Les maux cités sont pluriels et ne sont peut être pas exhaustifs même si à première vue, nous avons l’impression que le livre aborde tout.

Les réalités soulignées sont effectivement celles qui serrent le cou au continent et expliquent que malgré la colonisation et le néocolonialisme tout va si mal.

Puisque l’auteur privilégie la question dans son livre, allons-y et fouettons avec lui le passionnant sujet de l’éducation. Ce d’autant plus que l’initiative du livre jaillit d’une expérience personnelle d’étudiant de l’auteur. Ainsi, le coup de gueule est à résumer en ces termes : il ne faut point privilégier la politique du nombre et des statistiques dans le domaine de l’éducation, mais plutôt être attentif à la qualité des hommes formés. En cela, Roland Holou voit dans la démarche éducative empruntée jusqu’à présent, une espèce d’effet de mode qui consiste à exhiber à la face du monde des pourcentages évolutifs des apprenants au fil des années.

Erreur, car ainsi on a fabriqué, constate Roland Holou des adeptes d’un psittacisme exagéré qui n’apportent rien comme solution aux différentes équations qui se posent.

Ce que veut le livre est d’amener chacun à réfléchir par lui-même pour apporter les vraies réponses ou les approches de taille aux situations qui touchent le continent.

Roland Holou et son livre essaient indirectement de montrer que les Objectifs du Millénaire pour le développement sont irrémédiablement sur une corde raide en Afrique tant que le changement des visions des africains restera un vain projet.

Puis, « Pourquoi l’Afrique pleure et s’enfonce ? » sort de ses trippes une autre réponse, celle là pas souvent évoquée clairement jusqu’alors : la sorcellerie. Même pas avec René Dumont, Foirry, Smith et les autres qui ont répertorié avant lui la litanie des maux sur l’Afrique.

Avouons qu’il n’a y point une explication scientifique de cet argument, mais par empirisme des milliers d’africains sont unanimes pour reconnaître que l’arriération continue du continent trouve ses racines ici. Et Roland Holou a voulu servir de porte-parole de ces personnes qui se demandent pourquoi il est facile de tuer à l’aide d’un pouvoir plutôt que de s’en servir comme baguette magique pour régler le problème de la faim et du chômage ?

Une chose est sûre, il y a beaucoup de lieux communs et du déjà vu dans ce livre. Ainsi à première vue, on peut facilement penser qu’on est loin des propositions et des solutions auxquelles on peut s’attendre. Il n’y a pourtant pas une aridité dans cette réflexion. Voilà pourquoi, il faut avoir de la patience à la lecture de ce livre. Roland a le mérite d’introduire le débat autour des grands chantiers qui sauveront l’Afrique, mais abondamment mis en retrait actuellement. Par exemple la réforme et l’appui à la recherche scientifique, en évitant d’y voir un domaine réservé aux sociétés riches.

Et comme il le souligne avec emphase dans nombre de paragraphes du livre, les intellectuels ont une lourde responsabilité dans la situation actuelle de l’Afrique. Réciproquement, ils doivent s’apprêter aussi à dégager des pistes plausibles et concrètes pour la sortir de l’auberge.

Si l’Afrique veut aller loin, elle peut franchement avoir besoin de cet ouvrage.


Godefroy Macaire CHABI


Mot sur l’auteur

Ingénieur agronome, spécialiste en Aménagement et Gestion de l’environnement, Roland Ahouélété Holou est aujourd’hui âgé de 33 ans. Ce jeune homme poursuit actuellement ses études doctorales aux Etats Unis où il vit comme Résident permanent. C’est au Bénin qu’il a fait le clair de ses études jusqu’au diplôme d’ingénieur Agronome qu’il obtint en 2002 avec la Mention Très Bien.
Sa formation et ses contacts avec le terrain lui ont suggéré l’idée de ce livre et justifient l’ancrage de sa réflexion sur les problèmes de développement.
Il est l’auteur de plusieurs travaux publications scientifiques. Avant « Pourquoi l’Afrique pleure et s’enfonce ? », il a publié « Le bûching et le développement de l’Afrique ». Membre de plusieurs organisations professionnelles à l’image de la société écologique des Etats Unis d’Amérique et le Réseau des Amis de l’Agriculture Ecologique en Afrique, il a la conviction que le sort de l’Afrique est au prix d’une Révolution des intellectuels.

jeudi 9 octobre 2008

Bénin : Du sable lagunaire pour s’adapter au changement climatique

La plage de Sème Kpodji, à une quinzaine de km à l’est de Cotonou affiche un air inhabituel cet après midi d’un jour de Septembre. Seuls trois camions sont en pleine opération de chargement. Il y a un mois, on ne pouvait pas l’imaginer. En ces mêmes lieux, des dizaines de camions remplis de sable se relayaient encore sur cette carrière de sable marin. Si c’est ainsi, c’est parce que les autorités ont décidé de mettre fin à l’exploitation du sable marin, au regard de l’érosion qui menace la côte et dont le prélèvement du sable représente un des facteurs aggravants. D’ici quelques jours, aucun exploitant de sable marin n’aura l’excuse de son ignorance d’une telle interdiction, lorsque le décret que prépare le gouvernement sera appliqué.


« L’Etat devrait prendre la décision depuis longtemps, mais craignant que cela n’engendre d’autres situations ingérables et des surcoûts, il y a renoncé. Car on ne peut pas interdire définitivement le prélèvement du sable marin sans proposer une solution de rechange aux exploitants » a confié à IRINNEWS Césaire Agossa, Directeur de communication du Ministère béninois chargé de l’urbanisme, de l’habitat, de la réforme foncière et de la lutte contre l’érosion côtière.

La solution, ce sont les carrières de sable lagunaire ou continental. 36 périmètres miniers de sable sont actuellement en cours d’ouverture dans 5 localités de la zone côtière à savoir : Abomey Calavi, Sô-Ava, Cotonou, Ouidah, Sèmè Kpodji.

Mais la mise en œuvre de la mesure ne peut être effective que si les sites sont viabilisés. Voilà pourquoi, le génie militaire est associé et s’active depuis quelques jours sur ces différents périmètres.

Son rôle est d’aménager les pistes et voies d’accès à ces carrières de sable lagunaire, pour éviter que d’autres contraintes ne viennent remettre les exploitants sur le chemin du sable marin.

Le génie militaire n’intervient pas systématiquement sur l’ensemble des périmètres. Seuls sur quelques uns où le problème d’accès se pose, comme dans les communes d’Abomey Calavi et Sô Ava.

Malgré tout, l’exploitation se poursuit


« Je ne peux rien faire, je n’ai pas le choix, tant que tous les sites d’exploitation du sable lagunaire ne sont pas fonctionnels. Le dragage n’est même pas effectué sur certains sites. Sur d’autres, il n’existe pas de drague. Alors dans ce cas, je suis bien obligé de continuer en attendant que la situation se normalise », a fait remarquer un transporteur de sable qui a requis l’anonymat.

Sur certains périmètres comme à Sèmè Kpodji, une localité située à l’Est de Cotonou où l’avancée de la mer est nettement perceptible, du sable continental est disponible. Car le site est lancé depuis 2007. Les propriétaires des parcelles occupées dédommagés ou réinstallés.

Malgré cela, des camions préfèrent survoler ces périmètres pour aller charger sur la plage.

« Moi, je continue jusqu’au jour où le décret sera pris et qu’il ne me sera plus possible d’aller prélever du sable », s’est exprimé le propriétaire d’un chantier en construction à Cotonou.

Pour un voyage de sable, le propriétaire du camion encaisse entre 40 000 FCFA et 60 000 FCFA chez ses clients.
Et c’est tout le monde qui profite de ce commerce, même la commune, car à Sèmè Kpodji par exemple, une taxe de 1000 FCFA est perçue par les autorités sur chaque camion qui quitte la plage.

A la Direction béninoise de la lutte contre l’érosion côtière, DLEC située à moins de 400 mètres de la plage à Cotonou, Mme Roukaïyatou Sobabe Fadikpe qui a travaillé sur le dossier du sable marin a confié que « même si l’exploitation n’est plus très prononcée, elle se poursuit sur les plages ». « Il y a deux semaines, au cours d’une sortie inopinée, nous avons vu beaucoup de camions qui allaient et venaient. Mais nous ne pouvons rien maintenant. Dès que ça va être définitivement interdit, personne n’aura le droit de faire cela », a-t-elle poursuivi

Une prise de conscience naissante


« On nous a dit que notre localité est menacée par l’érosion côtière, et qu’à cette allure d’ici une quinzaine d’année, nous allons disparaître si rien n’est fait. Si la décision vise à nous donner de l’espoir, alors la ville de Sèmè Kpodji préfère vivre plutôt que de mourir », a clamé un exploitant de sable marin à Sèmè Kpodji au cours d’une rencontre avec le gouvernement.

Prêcher par l’exemple semble la logique du côté des autorités, si l’on veut que la solution soit respectée.

« Le gouvernement jouera sa partition, lorsqu’on sait que le plus grand consommateur de sable reste l’administration. Sur tous les chantiers de l’Etat, aucune construction ne pourra plus se faire avec le sable marin. », a affirmé le Ministre béninois des mines, Saka Lafia.

Quelques problèmes et des résistances

Dans beaucoup de sites retenus pour l’exploitation du sable, se posent de nombreux problèmes. A Sô Ava, une commune lacustre, l’inondation de la plate forme de dragage constitue un frein aux travaux. Dans beaucoup d’autres, il y a encore des doutes sur la réserve du sable si ce n’est pas l’attente d’accord des autorités communales pour l’ouverture des voies d’accès. Parfois, se pose le problème de l’éloignement du gisement de sable de la berge.

La plus grande équation à résoudre dans cette dynamique reste l’hostilité des populations qui exige des dédommagements. Des scènes de fusillade ont même eu lieu dans certains sites comme à Abomey Calavi, où des individus ont été obligés de chasser les promoteurs et l’administration minière.

Sur un périmètre par exemple dans cette ville, une quantité énorme de sable a été gerbée, mais la population s’est opposée à la vente, affirmant qu’on veut brader son patrimoine.

Autant de réticences qui ont exigé une diplomatie de la part des autorités centrales, qui continuent d’ailleurs la recherche de solutions durables face à cette nécessité.


Apporter une réponse aux effets du changement climatique

Il est de notoriété publique que les effets du réchauffement de la planète impactent sérieusement la surface de la mer. Le Bénin est souvent confronté au phénomène cyclique de déferlement caractérisé par l’avancée de la mer. Plusieurs études ont conclu qu’une grande partie de la ville de Cotonou sera envahie par l’eau si rien n’est fait d’ici quelques années.

Face à un tel risque, le pouvoir ne baisse pas les bras. D’ailleurs un total de 32,5 milliards de FCFA, mobilisé avec l’appui des bailleurs de fonds étrangers et multilatéraux (Fond Kowétien, OPEP, Fond saoudien, Royaume du Danemark) a été mis dans l’opération de lutte contre l’avancée de la mer et l’érosion côtière.
L’un des projets gigantesques, c’est la construction des 7 épis pour protéger la côte Est de Cotonou.
Au Ministère chargé de la lutte contre l’érosion côtière, le Directeur de la Communication, Césaire Agossa a annoncé le démarrage effectif des travaux pour le 03 janvier 2009.

« Pour l’heure, nous examinons les soumissions aux appels d’offre. Une chose est sûre, il ne faut plus traîner les pas, car l’heure est grave », a-t-il poursuivi.

Godefroy Macaire CHABI

Bénin : La pollution, un piège à l’urbanisation de Cotonou

Difficile pour lui de respirer l’ai pur. Jean Paul se sert d’un petit tissu blanc pour se protéger les narines derrière le conducteur de taxi moto qui le transporte. Malgré cela, il ne cesse d’éternuer. Au loin, un épais brouillard de fumée s’élève et submerge les engins à deux roues et les véhicules qui attendent à un feu tricolore. C’est une catastrophe ! Le spectacle est permanent à Cotonou, la capitale économique du Bénin. Une ville qui se cherche entre forte urbanisation et problèmes environnementaux et qui a réussi ainsi à se faire une place dans le hit parade des villes les plus polluées au monde.

« Je ne viens à Cotonou que lorsque c’est vraiment utile, sans quoi je préfère rester dans ma campagne », a confié un instituteur en service à Ouagbo, une localité rurale à 70 km au Nord de Cotonou, venu toucher son salaire au service du Trésor public à Cotonou

Vivre à Cotonou est devenu un pis-aller pour beaucoup de béninois qui y ont établi toutes leurs activités et y travaillent. C’est aussi un casse-tête pour les visiteurs étrangers qui font la remarque dès qu’ils franchissent l’aéroport pour atteindre le centre ville.

« Qu’est ce qu’on fait pour mettre fin à cette situation ? » s’est interrogé un visiteur occidental au cours d’une promenade diurne.

«On sanctionne mais ça reste. Pour moi la lutte reste encore un mythe.», s’est indigné Wilfrid Mongazi, spécialiste de l’environnement au Ministère béninois de l’environnement.

« La population augmentant et les comportements n’ayant pas fondamentalement changé, je ne suis pas sûr d’une amélioration de la situation », a renchéri Mathieu Houinato, Coordonateur de programme environnement au Programme des Nations Unies pour le développement, PNUD à Cotonou.

Pourtant, il y a quelques jours le Ministre de l’environnement Juliette Biao Koudénoukpo a indiqué que la situation de la pollution de l’air a beaucoup évolué positivement ces dernières années au Bénin en diminuant de 12%. Elle cite notamment les efforts à savoir : le contrôle des émissions de gaz d’engins, la formation des mécaniciens au réglage, l’acquisition d’un véhicule laboratoire de contrôle de la qualité de l’air

Motos, autos, essence et embouteillage

La pollution atmosphérique à Cotonou s’explique principalement par les nombreuses motos qui inondent ses routes. Elles sont évaluées à près de 100 000. Une statistique effrayante que rend possible l’envahissement progressif du marché par des engins à deux roues provenant d’Asie.
Les conducteurs de taxi motos communément appelés Zémidjans (prends-moi rapidement en langue fon, une langue du pays) en détiennent le record. Ils sont aujourd’hui évalués à plus de 80 000 et facilement identifiables par leurs blousons jaunes.

Ces taxi-motos sont des engins à deux temps, ce qui d’après les spécialistes participe à une production exagérée de fumée.

D’ailleurs, le Ministère béninois de l’environnement a situé à 83 tonnes le gaz carbonique émanant de l’activité journalière de ces motos.
Face à cela, le gouvernement a annoncé depuis 2006 une stratégie de remplacement de ces moteurs à deux temps par ceux à quatre temps reconnus moins pollueurs.

Au Bénin, beaucoup se demandent s’il ne faut pas aller au-delà de cette mesure, car il y a un lien entre l’inexistence d’un système de transport en commun et le phénomène des taxi-motos.


« Dès que le transport en commun sera effectif, personne ne prendra les Zémidjans. Et les propriétaires des motos les abandonneront aussi. Tant qu’il n’y aura pas cela, le problème va demeurer », a dit Marguerite, une jeune fonctionnaire de l’administration publique rencontrée à Saint Michel, une des zones les plus polluées de Cotonou.

En outre, dans une ville dont le port constitue la porte de débarquement des véhicules d’occasion communément appelés « Venus de France », des centaines de voitures usagers et souvent amortis rejoignent quotidiennement le parc automobile quotidiennement. Malgré elle, la population y recourt car n’ayant pas les moyens de s’acheter des véhicules à l’état neuf.

Le Ministère béninois des transports et celui de l’environnement ont situé la moyenne d’âge des véhicules à plus de 13 ans avant leur arrivée au Port de Cotonou.

Un autre phénomène, c’est la prolifération du commerce de l’essence de la rue appelée « Kpayo, voulant signifier essence de moindre qualité en langue fon », à cause de son fort dosage en plomb.

Ce commerce que favorise la proximité avec le Nigeria « reste une épine aux pieds de toute stratégie de lutte contre la pollution », a souligné le Professeur Blaise Koudogbo, Président de l’ONG « Stop nuisances » dont le siège est à Porto novo au Bénin et qui vise à réduire les nuisances de tous genres à la qualité de la vie dans les capitales africaines.

Dans les stations service du pays, le ministère de l’environnement affirme avoir réussi à obtenir la suppression du plomb dans l’essence dans le cadre d’un projet sous régional ouest africain.
« Mais on n’a pas d’instrument de mesure pour montrer que le plomb a vraiment disparu. Puis, l’essence de rue est toujours présente avec son plomb et moins chère. » a déploré M. Mongazi.
Par exemple dans les stations services du pays, l’essence à la pompe est vendue à 650 FCFA contre 400 FCFA sur le marché noir. Une réalité qui n’encourage pas les consommateurs à se ravitailler dans les stations.

Il est temps qu’on créé un laboratoire d’analyse, car on se trompe beaucoup pour la pollution, a-t-il souligné.

L’ONG Stop Nuisances entend d’ailleurs se constituer en un espace scientifique de contrôle et de vérification de toutes sortes d’éléments de nuisances à l’environnement et à la santé des individus, a annoncé son Président Blaise Koudogbo.

Souvent occulté dans l’analyse, le plan de circulation dans les villes, notamment à Cotonou constitue, selon M. Mongazi l’un des facteurs favorables au développement de la pollution.

Depuis 2006, le nouveau pouvoir semble l’avoir compris en faisant une politique de construction d’échangeurs et de passerelles pour décongestionner la ville. D’ici 2011, Cotonou devrait abriter définitivement quelques unes de ces infrastructures.

Ces caniveaux qui puent

Aline, une aide à domicile sans scrupule s’abaisse pour déverser l’eau de vaisselle dans un caniveau du centre de Cotonou. Elle n’est pas au premier essai, puisqu’elle affirme sans regrets agir ainsi plusieurs fois au cours d’une même journée. Et, inutile d’imaginer le nombre de personnes qui font la même chose qu’elle dans la capitale économique.
Résultat, Cotonou présente une puanteur rigide, surtout que la plupart des caniveaux sont ouverts et regorgent des matières putréfiantes.

« Les gens ne veulent pas changer d’habitudes, malgré la campagne. Les caniveaux servent à tout aujourd’hui. C’est dommage », a déploré Basile Gbaguidi, Directeur des services techniques de la Mairie de Cotonou.

Les zones marécageuses contribuent également à cette forme de pollution de l’air, « car elles constituent des poubelles à ciel ouvert et des lieux de défécation pour les populations qui ne sont pas réprimées », s’est indignée un habitant de Akogbatou, quartier périphérique de Cotonou.

Des malades qui s’ignorent


Paul Djimadja a confié à IRIN que depuis deux ans, il traîne une sinusite doublée d’une bronchite. D’après son médecin, cela est dû au fait qu’il s’expose à la fumée.

« La pollution est banalisée par les populations du fait qu’il ne leur a pas été établi une relation causale entre la pollution et la maladie et la mort subite. Donc, tant qu’on peut supporter, ce n’est pas grave. Les populations ne perçoivent pas l’effet quotidien et cumulatif sur la santé », a souligné Mathieu Houinato, Coordonnateur de programme au PNUD à Cotonou.

Selon, M. Houniato, c’est l’une des raisons pour lesquelles il y a une persistance du phénomène.

Pour M. Mongazi, « c’est à l’âge de vulnérabilité qu’on a parfois les premiers signes, voilà pourquoi, il faut attirer l’attention des plus jeunes sur le danger dès maintenant. Ce sont eux qui vont nous aider »

Soliou Badarou, Médecin, spécialiste en santé de développement au Bénin a fait remarquer que « les impacts sur la santé sont nombreux. Il y a l’augmentation des affections ORL (Otto Rhino Laryngologie). C’est ainsi que beaucoup de personnes traînent des asthmes, des allergies naso sinusiennes, les cancers. Les affections de sang à l’image des leucémies sont aussi dans la liste. A cela il faudra ajouter les irritations des yeux et bien d’autres maladies. La pollution de l’air par du benzène est aussi responsable du cancer du sang. »

« La pollution est aussi dangereuse dans ce pays que le paludisme », a-t-il noté.

Godefroy Macaire CHABI

BENIN : Pas de réactifs, des donneurs en baisse, puis crise de sang

« Le tapage qu’on fait sur le Sida, si on peut faire le dixième sur le don du sang, on pourrait éviter beaucoup de dégâts et de pertes en vies humaines ». Cette réaction de Rynce Agassoussi, Président de l’Association béninoise des donneurs bénévoles de sang, créée en 1974 résume la situation que traverse actuellement le pays.

En effet, depuis le début de l’année, le sang fait cruellement défaut au niveau de 8 des 12 banques de sang que compte le pays. Dans 4 autres départements, la situation est moins criarde, car la coopération belge suit les choses à travers le Projet d’amélioration de la sécurité transfusionnelle dans les départements de l’Atacora/Donga et du Mono-Couffo, PASTAM.

Résultat, 75% des demandes sont satisfaites dans le pays.

« Il y a 25 % qui meurent au moins » a laissé entendre M. Agassoussi qui s’est demandé, « pourquoi laisser les gens mourir bêtement ? »

« Au Centre national hospitalier et universitaire, CNHU, le plus grand hôpital du pays à Cotonou, tous les soirs, les gens arrivent, en détresse. Ils ont des parents qui ont besoin du sang. Mais impossible parfois de leur trouver la moindre goutte. Ils repartent bouleversés» a raconté Rynce Agassoussi.

Le Professeur André Bigot, Chef service banque de sang au CNHU de Cotonou, parle d’une situation très grave, « du jamais vu de mémoire d’homme ».

« Au service d’hématologie, il y a eu des leucémies, des drépanocytaires qui avaient besoin de sang mais n’en ont pas eu », a-t-il confié

Selon lui, « il n’existe malheureusement pas de statistiques précises pour situer le nombre de victimes de cette situation, car les maladies meurtrières liées au manque de sang sont nombreuses».

« Les hôpitaux ne communiquent pas là-dessus », a renchéri M. Agassoussi.

Illustration réelle de la situation, en 2006, les services de prélèvement au Bénin sont parvenus à collecter près de 90 000 poches de sang. En 2007, ce chiffre est descendu à 60 000 poches. Un chiffre encore loin de l’objectif des 200 000 poches que se sont fixés l’ensemble des intervenants du secteur.

Manque de moyens

« L’absence de matériels ne date pas d’aujourd’hui, mais ces derniers mois, la situation est devenue intenable. Il y a pénurie notamment de réactifs dans tout le pays. On ne peut pas prendre le sang sans le tester », s’est désolé Augustin Vodounon, Technicien de laboratoire au Service départemental de prélèvement du sang Atlantique Littoral.

« Pas de poches, pas de réactifs, si on ne règle pas cela, on peut aller jusqu’en 2020, le problème va demeurer » a-t-il poursuivi.
« Le sang prélevé n’est pas celui qu’on donne aux demandeurs. Il faut un minimum de bilan, d’examen biologique et de recherche virologique. Or sans cela nous ne pouvons rien faire », a indiqué le Professeur André Bigot

« Parfois le donneur est disponible, mais il n’y a pas de poche pour recueillir son sang », a témoigné Rynxe Agassoussi.

Chaque année, il faut environ un milliard de FCFA pour couvrir les besoins en réactifs.

Le Président de l’Association des donneurs bénévoles a expliqué que « si on repartit bien les fonds, c’est possible d’atteindre les résultats. Malheureusement, ce n’est pas cela et les procédures de passation de marchés de réactifs sont lentes».

Fonctionnant avec un personnel réduit, 2 à 3 agents voire inexistant, les services de collecte mobile doivent faire face également à l’inexistence moyens de déplacement.

«On passe les véhicules pour aller sur le terrain. Le jour où on en trouve pas, on est bloqués », a noté M. Agassoussi.

Le responsable national du Projet d’amélioration de la sécurité transfusionnelle dans les départements de l’Atacora/Donga et du Mono/Couffo, PASTAM, le Docteur Edgar Lafia a observé un manque d’organisation général au niveau des gestionnaires du système de santé.

« Il faut l’infrastructure d’accueil, un laboratoire bien équipé, des réactifs disponibles et un personnel qualifié » a-t-il proposé

Néanmoins, il a reconnu que chaque année, le gouvernement fait des efforts, en associant surtout des partenaires bilatéraux comme la Suisse, la Belgique et l’Allemagne. Grâce à la coopération belge par exemple, le PASTAM fonctionne depuis 2006.

Le secours dans les pays voisins

« Il y a quelques jours, j’ai été obligé d’aller acheter du sang au Togo, je n’avais plus le choix », s’est exprimé Aline qui a accompagné sa mère malade au CNHU de Cotonou.

Face à la situation de crise, de nombreuses personnes se sont tournées notamment vers le Togo et le Nigeria.

Au Bénin, la poche est vendue officiellement à 2000 fcfa dans les établissements sanitaires, gros consommateurs.

Parfois, les demandeurs sont obligés de l’acheter 3 ou 4 fois plus cher dans ces pays.

« C’est une honte qu’on en soit arrivé là », s’est désolé le Professeur André Bigot.

Face au danger, la Banque de sang du CNHU dont la mission est le stockage du sang s’est reconvertie au travail de prélèvement.

Le Professeur Bigot lie aussi ce développement aux nombreuses grèves des paramédicaux qui ont débrayé, réclamant de meilleures conditions de vie et de travail.

Au Bénin, les potentiels donneurs de sang sont les élèves. Pendant les vacances ou à l’approche des examens de fin d’année, on ne les voit plus.

M. Agassoussi a indiqué que dans les établissements, le minimum de poches récolées est de 80, parfois 100 par jour à chaque sortie de l’équipe mobile. Alors que dans les postes fixes de prélèvement, le chiffre dépasse rarement les 40 poches.

Au Bénin, les donneurs réguliers et les donneurs fidèles ne dépassent pas les 4000 sur une population de près de 8 millions d’habitants. Les donneurs occasionnels font augmenter le chiffre par moments. En 2007, par exemple 15 000 béninois au total ont donné leur sang.

« L’engouement des donneurs peut être aussi émoussé s’ils sont mal reçus par des agents démotivés et frustrés de leurs conditions de travail », a averti le professeur André Bigot.

Godefroy Macaire CHABI