vendredi 30 mai 2008

La publicité et l'Internet: comment ne pas moraliser les rapports?

Seuls quelques uns ne le savent pas, l’Internet a tout révolutionné. Les rapports, les habitudes, les visions, les mentalités, les approches. En bien, mais énormément aussi en mal quoiqu’on dise. Que contrôle t-on encore réellement sur la toile ? Illusoire, selon beaucoup, de s’y mettre au regard déjà du rythme considérable de circulation des contenus et du volume des informations. L’essor, notamment, de la blogosphère contribue à l’envol à grande échelle d’un autre type de média à l’intérieur du grand média que représente déjà le web. Dans un tel environnement tout devient possible. Le web devenant un lieu privilégié de concurrence de produits réalisés par les grosses firmes internationales, les entreprises moyennes voire les groupes, associations et individus.Une hyper démocratisation qui pave la voie à toutes sortes de dérives. Puisque personne ne contrôle véritablement personne sur la toile. Les inspirations sont alors relâchées et chacun y va avec gourmandise.Même permissifs, les médias classiques (radio, télévision, cinéma, journaux, etc) sont encore quelque peu sensibles à l’éthique et ont encore le pouvoir de donner leur avis sur les contenus. Rarement, cela est le cas du web. Il y a encore ici un libertinage qui fait de cet espace un lieu d’enfouissement systématique des frustrations, des philosophies, des idéologies et de toutes sortes d’envie. Nombre de sites web et de blogs représentent aujourd’hui une passerelle privilégiée pour n’importe quel type de publicité. Et beaucoup d’autres s’apprêtent à le devenir, dans un cercle de confusion totale. Si en général, il est aisé de mettre en doute les informations généralistes dont nous abreuve quotidiennement l’Internet, la publicité qui y passe devient un autre sujet de préoccupation majeure. Dévoyée, malhonnête, truquée à outrance, magique à fond, insultante, injurieuse, incommode, la web-publicité souligne à merveille les contraintes auxquelles le monde doit faire face au cours des prochaines décennies.Il y a nécessité de penser à une approche permettant de distinguer nettement entre l’action de la publicité sur la toile et les impacts plausibles sur les différentes cibles.La course effrénée à l’immoralité n’avait pas autant atteint sa côte d’alerte qu’aujourd’hui. Des centaines de milliers d’internautes sont bien conscients de ce que leurs actions emprisonnent l’ensemble de la société et rendent le jeu de la concurrence profondément déloyal.De ce fait, on est embarqué dans un éternel tourbillonnement dont il est difficile d’imaginer l’issue. Car si avec les médias traditionnels, avoir accès à la « grande publicité » est conditionné par les moyens, nous sommes en face d’un nouveau média qui ne présente pas les mêmes exigences d’accès, et qui provoque en permanence au regard de ce qu’on en sait un effet de prostitution avancé.Le perdre de vue serait, refuser de reconnaître que l’Internet est l’un des fléaux de notre époque auquel il serait difficile de trouver facilement un vaccin efficace. Car, à mesure que les essais seront concluants, même les malades trouveront les moyens de rendre le virus inattaquable.Il ne faut pas s’y complaire, la publicité sur la toile est une vraie pathologie, auquel une approche conséquente doit être opposée associant dans une démarche holistique une bonne quantité de compétences sociales sensibles à la question.A l’allure où vont les choses et au regard des rapports qu’ils entretiennent, l’internet et la publicité ne font pas bon ménage. Inutile, en revanche de chercher à provoquer la rupture entre les deux, ce qui ne contribuera qu’à aggraver la situation, mais il est extrêmement important d’y mettre plus d’éthique et un maximum de morale pour limiter la saignée.
Godefroy Macaire CHABI

La publicité abrutit-elle?

Je regardais la télévision en compagnie d’un groupe d’amis, et tous nous étions effarés par un spot publicitaire qui passait et vantait le travail d’un pressing. Globalement, il est dit dans ce spot qu’une tâche que porte une veste pouvait être décrottée en 5 minutes seulement. Bref, l’élément tendait à convaincre la clientèle sur la possibilité de remettre l’habit et le retirer en l’espace de 5 minutes. Notre réaction fut presque concertée, soulignant le caractère irréaliste de ce qui est avancé avec brutalité à nos yeux.Tout cela résume à merveille le caractère fonctionnel de la publicité et l’étoffe qu’elle a d’amener les autres vers l’irréel. La frontière entre la publicité et l’irréel ne cesse alors de s’élargir avec l’essor de la société de consommation et les exigences qui vont avec.Imaginons une publicité qui souligne avec insistance les merveilles de la planète Mars et exhorte les gens à y aller pour y trouver tout le bonheur dont ils ont besoin. Même les personnes les plus rêveuses auront quelque réticence à y croire. Car l’irréalisme aurait été poussé à son comble. C’est exactement l’image que la publicité nous projette au quotidien, sans qu’on ne s’en rende facilement compte.L’ère de la publicité mensongère est celle que nous vivons avec allégresse ces dernières décennies et que notre psychologie n’est pas encore prête de rejeter. Seuls quelques-uns arrivent encore à déclencher la réflexion sur les vrais apports de la publicité dans leur quotidien. Et même lorsqu’ils le font, ils n’attendent pas d’avoir des réponses précises à leurs inquiétudes avant de retomber dans le piège de la pub.La publicité n’est pas sincère et il n’est pas besoin d’entreprendre quelque discours que ce soit à son sujet. Dans l’essence même du mot, il y a quelque chose de trompeur et d’insidieux qu’il faudra réussir à décrypter. Lorsqu’on dit, « je vais vous faire de la publicité », on décide de dire plus que vous n’êtes et vous ne pouvez. Il y a donc là quelque chose de « caché » en vous qu’on ne voudrait pas souligner, sous peine de vous défavoriser.La publicité ne dérange pas. C’est lorsque ça gêne qu’on parle de mauvaise publicité. Cette opposition souligne à souhait l’esprit et le corps de la fonction publicitaire.Il y a de plus en plus dans la publicité quelque chose de dérangeant : son futurisme exagéré doublé de son effet psychologique très marqué.Le combat aujourd’hui, c’est d’humaniser la publicité afin de lui donner un côté plus acceptable et moins pontifiant.Le constat devient plus perceptible en face d’images télévisuelles, car l’effet d’entraînement de la publicité reste de toute évidence plus prononcé à la télévision qu’à la radio, en raison de la nature du média et de son influence sociale trop vaste. La publicité, parce qu’elle a une certaine force peut farcir l’existence de ceux qui y voient leur salut et créer par voie de conséquence un rapport continu de dépendance au niveau des destinataires. Voilà pourquoi il y a parfois une réaction de témérité voire de résistance venant rarement de la part de ceux qui se refusent à tomber sous le charme inévitable de la publicité.L’idée aujourd’hui n’est pas d’engager un combat stérile et inutile contre la publicité. Car même dans ce cas la bataille serait perdue d’avance de la part des assaillants. Mais c’est à plus de critique vis-à-vis de la publicité qu’il est question pour réduire considérablement la marge de malhonnêteté et donner plus de confiance aux différents acteurs sociaux. Il y a une démarche prudente qui consistera aujourd’hui à voir dans la publicité une fonction hypnotisante qui mérite qu’on soit moins hâtif à la consommer. Car dans la fonction publicitaire il y a un effet-aimant hyper magnétisant dont doit se préoccuper chaque individu.Il y a une exubérante tendance qui arrive dans la presse écrite, notamment les magazines, et qui contre toute attente finira par prendre le dessus dans les prochaines années. Cette vague domine l’audio dont le substrat premier n’est que le son.Ici les projections déforment la société, ses hommes et transforment grandement les visions, les modèles, les valeurs, les traditions et les pratiques.L’orgueil sociétal et les valeurs partagées en communauté peuvent être des refuges à l’hyper exagération et les déviances auxquelles préparent continuellement la publicité.La société doit maintenant opposer ses valeurs aux bourrasques emmenés par la vogue de la publicité afin que l’ordre normal puisse être celui voulu par chacun et non celui imposé par la logique de la consommation et de la société mondialisée voire globalisée.Car, tout le monde semble défendre la culture de la diversité face à la logique de la mondialisation sans trop mener la réflexion sur l’opposition radicale à mener contre l’essor inquiétant de la publicité. Il est évident que la société de la publicité doit inquiéter les détracteurs de l’uniformisation. Car, la publicité quel que soit son espace et son territoire obéit à une frappante logique d’imposition, et fait appel à « la loi du plus fort ».La montée vertigineuse des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication vient renforcer l’inquiétude. L’Internet ne pardonne plus et chacun sourit continuellement à son charme.

Les archives du Bénin sont revenues sur leur terre

« Mémoire d’Outremer », voilà le titre du film que projette Cinémémoire-Marseille dès ce soir au Centre Culturel français de Cotonou. Un film réalisé à partir d’archives de familles dans les colonies françaises. L’esprit de ce film est de mettre en évidence les interactions entre deux mondes. Les images du film Mémoire d’Outremer ont été collectées et archivées par l’Association Cinémémoire à marseille. Il s’agit cinémathèque de films de familles et d’amateurs dont le fonds est principalement constitué d’images de la Région Provence Alpes Côte et des anciennes colonies françaises. Le Directeur de Cinémémoire est au Bénin pour faire voyager ce film entre Cotonou et Parakou.

dimanche 25 mai 2008

BÉNIN: La hausse des prix divise les ménages

COTONOU, 23 mai 2008 (IRIN) - Dans un sketch diffusé au cours d’une émission de télévision populaire au Bénin, un fermier du nom de Codjo jette sa femme à la rue car elle ne cesse de lui réclamer plus d’argent pour faire les courses. Mais ensuite, lorsque Codjo va lui-même faire ses emplettes, il découvre que les prix ont bel et bien doublé et regrette alors d’avoir éconduit sa femme. Cette fiction est aujourd’hui jouée dans la réalité par les Béninois eux-mêmes, face à la hausse fulgurante du prix des denrées de base observée ces six derniers mois à Cotonou, la grande ville commerciale du Bénin, et dans d’autres villes du pays. « Depuis novembre 2007, l’augmentation varie entre 30 et 50 pour cent », a confirmé Claude Allagbé, directeur de la promotion du commerce intérieur. À Cotonou, le correspondant d’IRIN a notamment noté que le kilogramme de sel se vendait à 450 francs CFA (1,08 dollar), contre 250 francs CFA (0,60 dollar) en novembre dernier. Le kilo de riz est passé de 300 (0,72 dollar) à 450 francs CFA, et le prix de l’huile de palme a fait un bond pour passer de 500 (1,20 dollar) à pas moins de 900 francs CFA (2,16 dollar). Cette hausse des prix a un impact psychologique visible sur les ménages. Au marché d’Attogon, un village des environs de Cotonou, les vendeuses ont expliqué à IRIN qu’il était désormais courant de voir les maris accompagner leurs femmes au marché pour vérifier et comparer les prix. Dernièrement, à Glodjigbé, un autre village, situé à 35 kilomètres de Cotonou, des sages ont même dû intervenir pour calmer un mécanicien, furieux d’entendre son épouse lui réclamer sans cesse davantage d’argent. Des souffrances pour tous La hausse des prix est durement ressentie par un grand nombre de couches sociales. « Les prix de certains produits ont augmenté de sorte que même les personnes qui travaillent n’ont plus les moyens de se les procurer », a déclaré Anselme Amoussou, enseignant. Mais ce sont les populations rurales qui en pâtissent le plus. En effet, selon Etienne Badou, membre de la Ligue de défense des consommateurs du Bénin (LDCB), « même si des scènes de cassure et de division ne sont pas inexistantes [en milieu urbain], elles sont moindres par rapport aux zones rurales », où les populations sont plus pauvres. Les taux de carence nutritionnelle les plus élevés du Bénin sont d’ailleurs observés dans les districts de Malamville et Karimama, dans le nord rural du pays.
En tout, environ 33 districts sur les 77 que compte le Bénin sont « exposés à un risque d’insécurité alimentaire », selon le Programme alimentaire mondial (PAM). D’après le PAM, 23 pour cent des enfants béninois de moins de cinq ans présentent des signes de retard de croissance modéré et 11 pour cent des enfants souffrent de malnutrition grave. Réduction d’impôt Le 30 avril, le gouvernement béninois a annoncé qu’il prendrait un ensemble de mesures destinées à faire face à la hausse des prix. Le 1er mai, l’application de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée), une taxe prélevée sur les produits locaux et importés pour financer les services sociaux, a été suspendue pour le riz, la farine, ainsi que d’autres produits de base. Mais cette mesure ne semble pas avoir porté ses fruits. « Il y a eu quelques problèmes de contrôle au niveau des détaillants, dans l’application des mesures prises par le gouvernement », a dit M. Allagbé, le directeur de la promotion du commerce intérieur. Le problème, selon l’économiste béninois Rhétice Dagba, repose sur le fait que le gouvernement n’a aucun moyen de s’assurer que les commerçants font profiter les consommateurs de cette réduction d’impôts. Pour appliquer cette politique, « il faut, si l’on veut être rigoureux, un inspecteur par produit et par marché », a recommandé M. Dagba. Autosuffisance Pour compenser la hausse des prix, le gouvernement béninois promeut également l’autosuffisance alimentaire ; pour y parvenir, selon Roger Dovonou, le ministre de l’Agriculture, il faudrait plus que doubler le volume de production actuel. Au Bénin, comme dans d’autres pays d’Afrique, la politique agricole consiste en effet depuis 30 ans à encourager les « cultures de rente [destinées à l’exportation], au détriment des cultures vivrières », selon l’économiste Rhétice Dagba. Il faudra du temps pour mettre en œuvre cette nouvelle politique d’autosuffisance alimentaire, a-t-il ajouté. Autre solution, à plus court terme : mettre en circulation les réserves alimentaires nationales. « Des céréales seront mises sur le marché », a déclaré à IRIN Iréné Bio Aboudou, directeur général de l’Office national de la sécurisation des produits alimentaires (ONASA). M. Bio Aboudou espère que cela permettra de faire baisser les prix. Mais cette mesure coûte à l’Etat plus de 35 milliards de francs CFA (83 millions de dollars), selon les statistiques officielles. Et jusqu’ici, les prix n’ont pas cessé d’augmenter, a indiqué à IRIN une mère de famille qui faisait ses emplettes au marché. « Ma famille et moi-même avons de plus de plus de difficultés à vivre avec les moyens que nous avons », a-t-elle confié. « À la maison, ils me font sentir que c’est ma faute. Que c’est moi qui ne me débrouille pas bien ».

INTERVIEW ABDERRAHMANE SISSAKO

En 2003, Abderrahmane Sissako enlève le Grand Prix du FESPACO avec Herremakono En attendant le bonheur qui s’appuie sur la thématique de l’immigration. En 2007, il arrive à Ouagadougou avec Bamako. Une autre thématique qui cette fois-ci met le pied à l’étrier et fait un sérieux réquisitoire contre les institutions internationales, type Banque mondiale et Fonds Monétaire International FMI. Leur responsabilité dans le malheur de l’Afrique est fortement mise à l’index dans ce long métrage.
Propos recueillis par Godefroy Macaire CHABI
Pourquoi Bamako, pourquoi pas une autre capitale africaine ?
Je pense que Bamako, c’est tout à la fois. Pour moi, c’est un lieu qui a rendu ses paroles possibles, ses prises de positions aussi. Je l’ai appelé Bamako aussi pour attirer l’attention des gens sur l’existence d’une conscience africaine à travers sa société civile. Des fois on a l’impression que la société civile n’existe pas. Moi, je veux dire qu’au-delà des politiques africaines qui ont leurs grandes responsabilités, il y une autre Afrique consciente qui veut s’en sortir.
Dans Bamako, on fait le procès des instituions de Bretton Woods. C’est une espèce de témérité non ?
Vous savez, chacun se bat à sa manière et apporte sa pierre à l’édifice. L’édifice peut être un pays, comme il peut être un continent. Quand on est artiste du moment, on doit se positionner. Car c’est le rôle de l’artiste de rendre le réel visible et compréhensible pour les gens. J’ai besoin de dire ces choses là comme d’autres le font dans d’autres domaines.
La scène se déroule dans une concession et ce, dans l’indifférence totale de ceux qui y vivent. Pourtant ça n’a aucun lien avec la dette et la privatisation. Pourquoi avoir choisi ce décor ?
Je crois qu’il n’y a pas indifférence. Il y a attention. Moi, j’ai décidé de me placer dans une cour qui est une société en miniature. La vie dans tous les sens qu’elle soit positive ou négative. C’est important de quitter le cadre classique. Ce qui est important, c’est de dire qu’il est possible de changer les choses. Et c’est à nous de le faire. Même si c’est un procès qui vise beaucoup plus les institutions internationales, je suis conscient qu’il y a une co-responsabilité dans ce qui arrive à notre continent. Peut être même une grande responsabilité africaine.
Mais on ne voit pas transparaître cela nettement dans le film ?
On a souvent tapé sur les responsables africains. Moi mon rôle n’est pas de revenir à la charge. J’ai voulu montrer la responsabilité des institutions internationale et expliquer que rien n’est prévu pour contester les systèmes de développement qui rendent les gens de plus en plus pauvres.


Est-ce que ce film a révolutionné quelque chose ?
Les instituions internationales sont au courant. Un film n’est jamais contre, mais construit quelque chose. La balle est dans le camp des institutions d’accepter le dialogue, le partage réel, de donner plus de souveraineté aux Etats ou aux Etats aussi de prendre plus de souveraineté. C’est un film qui interpelle et j’ose espérer que les institutions feront quelque chose
Vous faites de la fiction. Mais dans ce film, on voit la réalité. Vous citez directement Georges Bush, Paul Wolfovitch…..
Moi je veux que ce soit quelque part de la réalité. Partir d’aujourd’hui pour construire demain est mon souci. Certains veulent diriger le monde de façon autoritaire, de façon unilatérale et ce n’est pas juste. Ce n’est pas normal que ce continent qui n’est pas pauvre soit à ce stade et qu’il ne soit pas associé à la distribution de la richesse. Ce n’est pas normal que les multinationales qui sont au Nord profitent uniquement des richesses de ce continent.
On voit qu’aucune sentence n’est prononcée dans ce procès. C’est donc un recommencement
C’est pour cela que je dis que l’art n’a pas pour objectif de changer tout de suite les choses. Ce qu’on propose c’est une réflexion.

Les outils d’un essor du journalisme scientifique en Afrique

Faire son stage par l’Internet et le Téléphone

Décidément, les technologies de l’information et de la communication révolutionnent tout !
Depuis septembre 2006, la Fédération Mondiale des Journalistes scientifiques (WFSJ) mène une expérience inédite. 60 journalistes d’Afrique anglophone, francophone et arabophone s’entraînent à mieux informer sur la science dans les médias. Pendant deux ans ils reçoivent l’aide des meilleurs journalistes scientifiques de la planète, des spécialistes recrutés sur tous les continents, à mille lieues de chez eux. C’est le « Programme de mentorat par les pairs ». Une initiative impensable sans l’Internet et sans la téléphonie internationale « gratuite » que rend possible le logiciel Skype.
Par Godefroy Macaire CHABI

David Ya, journaliste ivoirien à Fraternité Matin n’aurait jamais pu profiter de l’expérience de Gilles Provost, journaliste scientifique à Radio-Canada, un vétéran crédité de plus de 25 années d’expérience si le programme de mentorat par les pairs ne lui en avait pas offert l’opportunité. Depuis bientôt 10 mois, David et trois autres journalistes d’Afrique suivent les conseils de Gilles sur des sujets scientifiques qui leur tiennent à cœur et sur lesquels ils éprouvent des difficultés d’approches et d’angles de traitement. Chaque semaine, ils sont en contact avec leur mentor par l’Internet pour lui faire des propositions de sujets, et en retour, ils reçoivent des suggestions sur la conduite professionnelle de leurs articles et de leurs émissions. Gilles Provost affirme « ne pas se lasser de s’adonner à cette tâche ». Malgré les distances et les réalités contrastées, ils arrivent à s’entendre sur les angles de traitement et les ingrédients des articles. C’est ainsi qu’il a pu aider, grâce à des échanges de courriers électroniques, Louise Ngo Pom, mentorée du Cameroun et animatrice de l’émission Mini-Science sur les ondes d’une station de radio des Nations Unies au Cameroun, à cibler ses centres d’intérêts sur le lien entre jeunes et scientifiques, la problématique centrale de l’émission.
« J’essaie aussi d’orienter par Internet et par Téléphone les journalistes africains vers des ressources locales et des intervenants facilement accessibles comme des médecins dans des hôpitaux » a confié Gilles provost.
Comment Patrice Goldberg, Rédacteur en Chef de l’Emission scientifique « Matière grise » à la RTBF aurait –il pu se rapprocher de Rahmane Mbengue du Sénégal, de Anselme Nkinsi de la République démocratique du Congo et de ses deux autres mentorés s’il ne faisait pas confiance aux possibilités que lui offre la messagerie.
Christina Scott qui travaille en Afrique du Sud pour SciDev.net, un réseau mondial d’information sur la science et le développement fait office de mentor dans ce programme. Elle confie qu’elle « ne pourrait pas mener à bien le mentorat sans le courrier électronique » Mieux que cela, elle affirme surtout utiliser régulièrement le logiciel de conversation skype, pour interagir avec ses quatre mentorés tous situés en zone anglophone. Le skype est un service de téléphone gratuit fonctionnant sur Internet et qui permet de faire des appels dans le monde entier.
Plusieurs conversations téléphoniques se sont faites ainsi par l’intermédiaire de Skype.
«Au vu de la vitesse de la circulation de l’information, on ne saurait s’en plaindre » indique Mame Aly Conte, journaliste à Sud Quotidien, lui-même faisant partie de la cohorte. Il poursuit « l’Internet et le téléphone sont les deux outils qui ont été le plus utilisé dans mes rapports avec mon mentor. Il s’agit de deux supports essentiels »
Non seulement le Skype facilite les échanges entre les différents participants au programme. Mais, il a permis jusque là à des journalistes africains dont les revenus sont très limités à avoir des entrevues journalistiques avec des personnes ressources et des experts étrangers, sans avoir à beaucoup dépenser.
Tout au début du programme, il y a eu une rencontre physique entre les mentorés et leurs mentors à Nairobi au Kenya. Pour beaucoup de mentorés, c’était presque une illusion de réussir une telle formation en misant majoritairement sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication.
A la fin d’une séance sur l’utilisation de ces outils, Mahamane India Abdramane, journaliste à la Radio Nationale nigérienne se demandait encore comment il pouvait atteindre ses objectifs. Aujourd’hui, il ne se pose plus la question. D’ailleurs, il confie que malgré certaines difficultés liées à la vitesse d’accès « l’utilisation de l’Internet est importante. Sans l’Internet je ne vois pas la faisabilité d’une telle entreprise ».
Bonne camaraderie et entraide
A côté des échanges entre mentors et mentorés, l’enrichissement du débat réside également dans les rapports inter-mentorés et inter-mentors. Dans cette dynamique, il est quasi-impossible de passer sous silence la partition jouée par ces technologies.
Pour réaliser un reportage sur l’usage des téléphones portables et leur impact sur les activités économiques, Aimable Twahirwa, Correspondant de Inter Press Service au Rwanda a dû recourir non seulement aux conseils de son mentor, Armand Faye du Sénégal, mais aussi aux avis de ses camarades mentorés de plusieurs pays. Par le biais du clavier de son ordinateur, il a, en quelques heures, fait le tour de plusieurs collègues qui lui ont fait des propositions. Rivonala Razafison de Madagascar s’est promené en quelques minutes entre le Bénin, le Sénégal, l’Algérie, le Kenya, le Nigeria pour s’informer sur les taux de prévalence du VIH sida dans ces pays afin de compléter un article urgent qu’il devrait soumettre à son journal.
Non seulement, le programme en soi permet de briser « l’isolement qui afflige de nombreux journalistes intéressés à couvrir les sciences et la technologie en Afrique » comme l’exprime Gervais Mbarga, Coordonnateur francophone du Programme de mentorat par les pairs, mais aussi grâce aux outils technologiques modernes de sa mise en œuvre, il en découle un décloisonnement des rapports entre journalistes francophones et leurs collègues des parties anglophone et arabophone. A un niveau plus élevé, on observe la chute de la glace entre journalistes africains et ceux du Moyen Orient, parties également au programme.
Les mentors se réjouissent également de savoir qu’ils peuvent cuisiner à distance des projets au profit de leurs mentorés sans éprouver la moindre difficulté. Ainsi, Sophie Coisne, mentor française a pu décrocher la participation de 15 journalistes issus du programme à la conférence francophone sur le Sida en France en mars 2007 en échangeant beaucoup de courriels et de coups de fil avec son collègue Gervais Mbarga du Cameroun.

Le « WE », une plate forme d’échanges et de discussions
Le programme s’est amorcé par des échanges téléphoniques, qui ont permis aux pairs de faire connaissance et de s’entendre sur les grandes lignes de la collaboration. Cette étape a été rapidement suivie et complétée par la mise en œuvre d’un site web privé spécialement dédié au programme. Ce site dénommé le WE représente une véritable interface qui concentre l’essentiel des connaissances indispensables pour l’atteinte des objectifs du programme. Ainsi des cours sur le journalisme sont mis en ligne sur cette plate forme (actuellement on compte trois leçons). Fait original, c’est la première fois que des cours de journalisme scientifique sont mis en ligne. Le premier cours en ligne a été réalisé avec le concours de SciDev.net et aborde les aspects théoriques et pratiques du journalisme scientifique. Comment réussir son interview en journalisme scientifique ? Comment définir son angle de traitement ? Comment raconter une histoire décalée et originale ? Autant de questions abordées et qui font l’objet de discussions et d’échanges entre les mentorés et des animateurs. Fatiha Nour, journaliste à la radio algérienne a suivi avec émerveillement les deux premiers cours dispensés dans un cybercafé de Nairobi lors de la rencontre face-à-face des pairs en novembre 2006.
En plus des discussions d’ordre général, il faut également s’inscrire à des ateliers à distance. Aimable Twahirwa du Rwanda s’est inscrit à plusieurs travaux et conseille aux autres mentorés d’en faire autant. « Je trouve que les débats sont très enrichissants », se satisfait-il.
Le WE renferme également une passerelle d’échanges de courriels liant intimement le mentor et son mentoré, garantissant ainsi un minimum de discrétion. Sauf que, l’administrateur principal du site est en mesure de suivre le rythme des discussions et l’intérêt que cela suscite au niveau des différents intervenants. Une sorte d’évaluation qui permet également de corriger progressivement les imperfections technologiques.
A plusieurs reprises, Augustin Denis, surveillant technique du WE, basé au Canada s’est déjà inquiété du sort de beaucoup de mentorés absents sur le WE.
Mahmane India Abdramane laisse par exemple entendre : « certains comme moi rencontrent des difficultés d’accès au WE. Je suis présentement en contact avec Augustin Denis pour débloquer la situation. J’aurai bien aimé rencontrer les autres sur le forum de discussion. Je suis en train de me battre pour cela ».
Ce problème que rencontre India n’est pas commun à tout le monde et reste plus en relation avec les capacités des pays à offrir un accès Internet à grande vitesse aux utilisateurs. Pour des mentorés du Bénin autrefois confrontés à cela, il s’agit plutôt de vieux souvenirs.
Jean Marc Fleury, Directeur Général de Fédération mondiale des journalistes scientifiques, initiateur du programme reste tout de même confiant : « nous trouverons des solutions définitives à ce problème, car nous y réfléchirons ». Pour l’heure, rien n’est encore perdu pour India et les quelques rares personnes qui rencontrent les mêmes problèmes. Ils continuent les échanges avec leurs encadreurs par courriel ordinaire ou par skype.
Autre avantage perceptible, c’est l’autonomie et les marges de manœuvre que le WE laisse aux mentorés d’agir directement et utilement sur le site en ajoutant des liens web susceptibles d’intéresser les autres membres du groupe où qu’ils se trouvent. Des ressources d’informations scientifiques de grande valeur ont ainsi pu être exploitées pour des productions de presse.

Découverte et apprentissage
Avant le démarrage de cette formation, beaucoup de journalistes africains avaient une connaissance assez vague et très peu soutenue des multiples potentialités qu’offrent les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Pour la plupart, ils n’étaient habitués qu’à la messagerie. Les autres services leur étaient étrangers. Par exemple, Jérôme Bigirimana de la Radio Nationale du Burundi n’avait pas encore entendu parler d’un moteur de recherche comme Google. « C’est formidable ! » s’exclame t-il lors d’un exposé pratique sur la recherche par Internet à Nairobi. Depuis, il connaît par cœur, non seulement Google, mais beaucoup d’autres moteurs qui lui permettent de retrouver des ressources documentaires pour ses papiers. Tout récemment à Paris, lors d’une rencontre scientifique (Ndlr : La conférence francophone sur le Sida), il n’a pas eu besoin d’un coup de pouce pour effectuer ses recherches dans la salle de presse où il travaillait. Anselme Nkinsi du Congo démocratique sait qu’il peut désormais retrouver en un clic les scientifiques de son pays et leurs travaux pour étoffer son travail.
Très peu de journalistes africains savaient également qu’on pouvait dialoguer en se servant du logiciel Skype ou en passant par le Yahoo Messenger ou le Msn de hotmail. Ces lacunes sont désormais corrigées.
Mame Aly Conte du Sénégal et Aimable Twahirga du Rwanda conversent plusieurs heures par jour pour échanger sur des sujets et partager des informations. Chacun d’eux a pu installer les logiciels de conversation sur son ordinateur.
« Ce programme de mentorat a été pour les journalistes une véritable initiation aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ils ont découvert les trésors d’information insoupçonnés qui deviennent accessibles grâce à Internet, au-delà des simples courriels », reconnaît Gilles Provost, mentor canadien
Les avantages qu’ils en tirent pourraient inspirer les médias africains à avoir leurs propres liens Internet qui permettraient aux journalistes de communiquer instantanément avec le monde entier.
Et déjà des points de marqués
L’Internet, le téléphone, des échanges et le tour est joué pour que des journalistes qui s’intéressaient à peine à l’information scientifique démontrent progressivement des capacités professionnelles évidentes.
Rivonala Razafison a pu décrocher récemment à Madagascar le Prix du journalisme écologique rien qu’en discutant par ces technologies nouvelles avec son mentor Sophie Coisne. Au Cameroun, Cathy Yogo, Journaliste à Mutations et stagiaire aussi, a remporté une bourse du Centre de Recherche pour le Développement International (CRDI) pour réaliser des projets de recherche sur l’information scientifique en Afrique.
Dans les radios, télévisions, cyberjournaux et les journaux dont les agents participant au programme, des sujets scientifiques signent remarquablement leur présence. Car chaque semaine, en dehors des conseils, les stagiaires recherchent et proposent à leurs mentors des sujets adaptés aux réalités du continent africain. Lesquels sujets sont ensuite traités, critiqués et renvoyés pour diffusion et publication dans leurs médias.
Dans le groupe de Armand Faye, mentor sénégalais, Makéba Tchibozo du Bénin expose avec intérêt le défi que cela représente pour elle de soumettre chaque semaine deux papiers. « Ce qui me fait plaisir, c’est que mes papiers sont repris systématiquement dans mon journal. Au moins cela me permet d’être productive en abordant des questions utiles comme l’environnement, la santé, la pollution etc» se réjouit-elle.
Même si le problème n’est pas encore définitivement solutionné ailleurs, les populations en Afrique restent encore à se demander ce que la science leur apporte et comment elle arrive à résoudre les problèmes du quotidien auxquels elles sont confrontées. L’initiative qui est en train d’éclore grâce aux pouvoirs des technologies va permettre d’induire des réflexions positives sur la question. Car les médias vont influencer dans leur travail la rigidité affichée parfois par les décideurs dans leurs politiques au profit des travaux scientifiques.
Indicateur majeur dans cette voie, les jeunes poucets de ce programme se mettent déjà à créer dans leurs pays des associations nationales de journalistes scientifiques.
Au Nigeria, Augustine Abutu a réussi à convaincre beaucoup de ses confrères autour de la cause. Le rubicond est également franchi au Bénin et au Rwanda depuis quelques mois. Beaucoup d’autres pays attendent de leur emboîter les pas, comme Madagascar.
Tout récemment dans un bilan d’étape adressé au groupe francophone de stagiaires qu’il manage, Gervais Mbarga, coordonnateur francophone du Programme indique que « la communauté semble admirer le travail que les mentors et mentorés abattent au quotidien par une synergie exceptionnelle ».
En cherchant de son côté à déceler d’autres retombées que secrètent les mécanismes modernes de mise en œuvre du programme, Isaac, Mentor francophone y voit « une initiative pour éviter la fuite des cerveaux dont l’Afrique est victime ». Car, en réalité les apprenants n’ont plus besoin de quitter leurs pays et peuvent établir une simultanéité entre la formation et la vie professionnelle.
En tout cas, « l’initiative du mentorat facilitée par les merveilles des TIC va encore démocratiser dans les prochaines années en Afrique le journalisme scientifique encore perçu comme la chasse gardée des médias du nord », a laissé entendre un responsable d’organe de presse au Bénin. L’information sur la science restait jusque là polaire et une vraie quête, voire un projet encore difficile à réaliser dans la plupart des médias africains. Une bonne carte à jouer maintenant pour le développement des fragiles économies et l’accomplissement intégral des individus dans la voie de la maîtrise des problèmes environnementaux et de pauvreté auxquels le continent africain est encore confronté. A Melbourne en Australie où elle était présente en avril 2007 à l’occasion de la 5ème conférence mondiale des journalistes scientifiques, Cathy Yogo, mentorée camerounaise a émis le vœu que le programme influe sur le débat concernant le changement climatique. Dans la même cordée, Augustine Abutu du Nigeria souhaite que le travail de la nouvelle génération de journalistes avertis sur les questions scientifiques impacte positivement le quotidien des populations africaines.

L’équation difficile du 7ème art en Afrique

Pendant longtemps, on s’est amusé à savoir s’il existait un cinéma africain. Beaucoup de compétences, critiques, magiciens à divers niveaux du cinéma, observateurs, cinéphiles, hommes de culture ont abandonné leurs occupations pour s’abandonner à tout va à une abondante littérature sur la question. Mais le hic, c’est qu’à la date d’aujourd’hui aucune réponse satisfaisante ou unanime n’est encore trouvée. Et l’on cherche. Jusqu’à quand encore…………Une situation en pointillés à la mesure de l’ampleur de la réflexion.
La réalité est qu’il s’agit d’un débat stérile à tout le moins inutile qui n’a de sens que le temps où l’on y pense. Juste après, il perd son sens, car il n’y a de cinéma que d’inspiration. L’inspiration n’a pas de couleur, pas plus qu’elle n’a d’identité. Parler avec emphase d’un cinéma africain, au point de faire de son inexistence un drame qui arrêterait le court des choses est l’erreur à ne pas commettre. Le cinéma se nourrit du cinéma. Et par rapport à cette donne irréversible et insurmontable, il est infect d’appeler avec insistance à un cinéma dont les acteurs ou les animateurs sont réduits à un moulage extérieur et représentent le produit d’un formatage fatidique.
En portant avec insistance le débat sur la réalité d’un cinéma africain, il semble qu’on veuille tomber dans un certain effet de mode qui tirerait sa source d’une hyper médiatisation de ce que tous nous appelons « cinéma américain », « cinéma européen », « cinéma indien » etc. L’évidence d’un cinéma fort, conquérant provenant de chacun de ces horizons n’implique pas forcément qu’il y ait une règle inouïe à respecter par les autres parties du monde. Rien n’est décidé d’avance. Parler d’un cinéma africain revient à penser qu’il y a une enveloppe préfabriquée dans laquelle on tente d’enfouir l’ensemble des productions cinématographiques africaines. Et c’est là que le bât blesse. A force de dureté et de rigueur exagérée dans la façon d’envisager ou de vouloir le cinéma produit par les africains, on court le risque d’aller vers quelque chose qui sera à court terme exposé à nos propres critiques.
S’il est appelé cinéma africain, le cinéma produit par les africains, quelle définition donnerait-on alors du cinéma produit par les européens sur les africains ou par les mêmes africains sur les autres ? C’est une question qui ne trouvera pas de si tôt une réponse rassembleuse.
Tout cinéma se génère et s’organise. Ce que nous appelons « cinéma américain » s’est construit à force du temps, au point de s’imposer comme genre cinématographique et non comme étant un cinéma identitaire. Combien d’européens ne sont-ils pas aujourd’hui tentés par l’aventure du cinéma américain, comme pour remettre en cause ce truisme pourtant bien installé dans la tête de certaines personnes ? La logique de la production cinématographique a contribué pendant longtemps à créer un vaste pôle (Hollywood) auxquels des répliques ont été trouvées (Bollywood) à un moment donné de l’histoire. Mais, ce n’est nullement une règle à laquelle il faut à coup sûr obéir comme dans une compétition dont on n’a pas besoin d’un vaincu.
Le cinéma africain s’il doit exister apprendra à se construire, à se former, à s’imaginer et apparaîtra sans être forcé et sans subir de manipulation génétique à l’origine. Parler d’un cinéma suppose des considérations de moyens. A force d’armer les animateurs du cinéma africain de l’argument financier, il est à parier sur l’émergence imminente et prochaine d’un cinéma africain. La logique des moyens fait appel à toute une série de considérations qui expliquent l’inexistence d’un cinéma africain actuel. Plus clairement, la technicité ou la professionnalisation fortement décriée dans le « cinéma africain » trouve ses explications dans le faible investissement alloué au secteur. Rares sont aujourd’hui les centres de formation dédiés au septième art en Afrique. En même temps, le constant écoeurant laisse transparaître l’inexistence en Afrique d’acteurs clés de grandes dimensions susceptibles d’incarner avec puissance un cinéma majeur.
Il fut une époque où l’on voulait du « cinéma africain » qu’il raconte une histoire, autrement un cinéma qui oublie la ville pour filmer le village dans la cordée de productions destinées à nourrir le sentiment exotique des uns et des autres. Un cinéma qui raconte une histoire n’a pas forcément la couleur de l’Afrique. Seul le réalisateur peut décider d’un cinéma qui raconte ou pas. La logique d’un « cinéma emmené » bloque la créativité à tous points de vue en Afrique. Sortis des rares écoles africaines de cinéma ou d’ailleurs quantités de jeunes cinéastes sont armés d’idées lumineuses très tôt ramollies par l’a priori d’un « cinéma africain » culturel. Qu’il soit ceci ou cela, le plus important pour l’Afrique est de disposer d’un bon périmètre de créateurs africains contents de leur travail et mus par l’idée de créer abondamment. Un cas de figure qui donnera vie et animation au cinéma africain et prouvera son existence.
La réflexion sur un cinéma africain doit croiser la préoccupation d’une filmographie africaine. S’il est encore difficile pour certains pays africains de produire par an un seul film et que dans le meilleur des cas, le nombre de films obéissant aux normes recommandées ne dépassent pas une dizaine dans d’autres, l’on comprend aisément le parcours encore à entreprendre. L’Afrique qui produit peu a le défi d’accroître le volume des réalisations africaines. Le cinéma indien est parti de ce type de préalable pour finalement prouver son existence à travers des thématiques qui lui sont propres, mais aussi des préoccupations d’emprunt.
Le cinéma africain doit s’appréhender dans ses manifestations quotidiennes. Pour cela il lui faudra être libertaire dans le processus de sa création. Quoi qu’ayant essuyé les critiques des journalistes, brocardeurs de tous calibres Madame Brouette de Moussa Sene Absa aura été un film libre qui joue dans tous les sens et traduit la volonté de son réalisateur de rallier tous les goûts. La valse des gros derrières, le benjamin du béninois Jean Odoutan sorti en 2004 reflète à tous points de vue la constante préoccupation de son auteur.
Loin de battre campagne pour un cinéma populeux et extérieur aux canons sacro-saints du septième art, l’idée est de faire place à la créativité et au génie du cinéaste africain.

Godefroy Macaire CHABI