Pendant longtemps, on s’est amusé à savoir s’il existait un cinéma africain. Beaucoup de compétences, critiques, magiciens à divers niveaux du cinéma, observateurs, cinéphiles, hommes de culture ont abandonné leurs occupations pour s’abandonner à tout va à une abondante littérature sur la question. Mais le hic, c’est qu’à la date d’aujourd’hui aucune réponse satisfaisante ou unanime n’est encore trouvée. Et l’on cherche. Jusqu’à quand encore…………Une situation en pointillés à la mesure de l’ampleur de la réflexion.
La réalité est qu’il s’agit d’un débat stérile à tout le moins inutile qui n’a de sens que le temps où l’on y pense. Juste après, il perd son sens, car il n’y a de cinéma que d’inspiration. L’inspiration n’a pas de couleur, pas plus qu’elle n’a d’identité. Parler avec emphase d’un cinéma africain, au point de faire de son inexistence un drame qui arrêterait le court des choses est l’erreur à ne pas commettre. Le cinéma se nourrit du cinéma. Et par rapport à cette donne irréversible et insurmontable, il est infect d’appeler avec insistance à un cinéma dont les acteurs ou les animateurs sont réduits à un moulage extérieur et représentent le produit d’un formatage fatidique.
En portant avec insistance le débat sur la réalité d’un cinéma africain, il semble qu’on veuille tomber dans un certain effet de mode qui tirerait sa source d’une hyper médiatisation de ce que tous nous appelons « cinéma américain », « cinéma européen », « cinéma indien » etc. L’évidence d’un cinéma fort, conquérant provenant de chacun de ces horizons n’implique pas forcément qu’il y ait une règle inouïe à respecter par les autres parties du monde. Rien n’est décidé d’avance. Parler d’un cinéma africain revient à penser qu’il y a une enveloppe préfabriquée dans laquelle on tente d’enfouir l’ensemble des productions cinématographiques africaines. Et c’est là que le bât blesse. A force de dureté et de rigueur exagérée dans la façon d’envisager ou de vouloir le cinéma produit par les africains, on court le risque d’aller vers quelque chose qui sera à court terme exposé à nos propres critiques.
S’il est appelé cinéma africain, le cinéma produit par les africains, quelle définition donnerait-on alors du cinéma produit par les européens sur les africains ou par les mêmes africains sur les autres ? C’est une question qui ne trouvera pas de si tôt une réponse rassembleuse.
Tout cinéma se génère et s’organise. Ce que nous appelons « cinéma américain » s’est construit à force du temps, au point de s’imposer comme genre cinématographique et non comme étant un cinéma identitaire. Combien d’européens ne sont-ils pas aujourd’hui tentés par l’aventure du cinéma américain, comme pour remettre en cause ce truisme pourtant bien installé dans la tête de certaines personnes ? La logique de la production cinématographique a contribué pendant longtemps à créer un vaste pôle (Hollywood) auxquels des répliques ont été trouvées (Bollywood) à un moment donné de l’histoire. Mais, ce n’est nullement une règle à laquelle il faut à coup sûr obéir comme dans une compétition dont on n’a pas besoin d’un vaincu.
Le cinéma africain s’il doit exister apprendra à se construire, à se former, à s’imaginer et apparaîtra sans être forcé et sans subir de manipulation génétique à l’origine. Parler d’un cinéma suppose des considérations de moyens. A force d’armer les animateurs du cinéma africain de l’argument financier, il est à parier sur l’émergence imminente et prochaine d’un cinéma africain. La logique des moyens fait appel à toute une série de considérations qui expliquent l’inexistence d’un cinéma africain actuel. Plus clairement, la technicité ou la professionnalisation fortement décriée dans le « cinéma africain » trouve ses explications dans le faible investissement alloué au secteur. Rares sont aujourd’hui les centres de formation dédiés au septième art en Afrique. En même temps, le constant écoeurant laisse transparaître l’inexistence en Afrique d’acteurs clés de grandes dimensions susceptibles d’incarner avec puissance un cinéma majeur.
Il fut une époque où l’on voulait du « cinéma africain » qu’il raconte une histoire, autrement un cinéma qui oublie la ville pour filmer le village dans la cordée de productions destinées à nourrir le sentiment exotique des uns et des autres. Un cinéma qui raconte une histoire n’a pas forcément la couleur de l’Afrique. Seul le réalisateur peut décider d’un cinéma qui raconte ou pas. La logique d’un « cinéma emmené » bloque la créativité à tous points de vue en Afrique. Sortis des rares écoles africaines de cinéma ou d’ailleurs quantités de jeunes cinéastes sont armés d’idées lumineuses très tôt ramollies par l’a priori d’un « cinéma africain » culturel. Qu’il soit ceci ou cela, le plus important pour l’Afrique est de disposer d’un bon périmètre de créateurs africains contents de leur travail et mus par l’idée de créer abondamment. Un cas de figure qui donnera vie et animation au cinéma africain et prouvera son existence.
La réflexion sur un cinéma africain doit croiser la préoccupation d’une filmographie africaine. S’il est encore difficile pour certains pays africains de produire par an un seul film et que dans le meilleur des cas, le nombre de films obéissant aux normes recommandées ne dépassent pas une dizaine dans d’autres, l’on comprend aisément le parcours encore à entreprendre. L’Afrique qui produit peu a le défi d’accroître le volume des réalisations africaines. Le cinéma indien est parti de ce type de préalable pour finalement prouver son existence à travers des thématiques qui lui sont propres, mais aussi des préoccupations d’emprunt.
Le cinéma africain doit s’appréhender dans ses manifestations quotidiennes. Pour cela il lui faudra être libertaire dans le processus de sa création. Quoi qu’ayant essuyé les critiques des journalistes, brocardeurs de tous calibres Madame Brouette de Moussa Sene Absa aura été un film libre qui joue dans tous les sens et traduit la volonté de son réalisateur de rallier tous les goûts. La valse des gros derrières, le benjamin du béninois Jean Odoutan sorti en 2004 reflète à tous points de vue la constante préoccupation de son auteur.
Loin de battre campagne pour un cinéma populeux et extérieur aux canons sacro-saints du septième art, l’idée est de faire place à la créativité et au génie du cinéaste africain.
Godefroy Macaire CHABI
dimanche 25 mai 2008
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