COTONOU, 23 mai 2008 (IRIN) - Dans un sketch diffusé au cours d’une émission de télévision populaire au Bénin, un fermier du nom de Codjo jette sa femme à la rue car elle ne cesse de lui réclamer plus d’argent pour faire les courses. Mais ensuite, lorsque Codjo va lui-même faire ses emplettes, il découvre que les prix ont bel et bien doublé et regrette alors d’avoir éconduit sa femme. Cette fiction est aujourd’hui jouée dans la réalité par les Béninois eux-mêmes, face à la hausse fulgurante du prix des denrées de base observée ces six derniers mois à Cotonou, la grande ville commerciale du Bénin, et dans d’autres villes du pays. « Depuis novembre 2007, l’augmentation varie entre 30 et 50 pour cent », a confirmé Claude Allagbé, directeur de la promotion du commerce intérieur. À Cotonou, le correspondant d’IRIN a notamment noté que le kilogramme de sel se vendait à 450 francs CFA (1,08 dollar), contre 250 francs CFA (0,60 dollar) en novembre dernier. Le kilo de riz est passé de 300 (0,72 dollar) à 450 francs CFA, et le prix de l’huile de palme a fait un bond pour passer de 500 (1,20 dollar) à pas moins de 900 francs CFA (2,16 dollar). Cette hausse des prix a un impact psychologique visible sur les ménages. Au marché d’Attogon, un village des environs de Cotonou, les vendeuses ont expliqué à IRIN qu’il était désormais courant de voir les maris accompagner leurs femmes au marché pour vérifier et comparer les prix. Dernièrement, à Glodjigbé, un autre village, situé à 35 kilomètres de Cotonou, des sages ont même dû intervenir pour calmer un mécanicien, furieux d’entendre son épouse lui réclamer sans cesse davantage d’argent. Des souffrances pour tous La hausse des prix est durement ressentie par un grand nombre de couches sociales. « Les prix de certains produits ont augmenté de sorte que même les personnes qui travaillent n’ont plus les moyens de se les procurer », a déclaré Anselme Amoussou, enseignant. Mais ce sont les populations rurales qui en pâtissent le plus. En effet, selon Etienne Badou, membre de la Ligue de défense des consommateurs du Bénin (LDCB), « même si des scènes de cassure et de division ne sont pas inexistantes [en milieu urbain], elles sont moindres par rapport aux zones rurales », où les populations sont plus pauvres. Les taux de carence nutritionnelle les plus élevés du Bénin sont d’ailleurs observés dans les districts de Malamville et Karimama, dans le nord rural du pays.
En tout, environ 33 districts sur les 77 que compte le Bénin sont « exposés à un risque d’insécurité alimentaire », selon le Programme alimentaire mondial (PAM). D’après le PAM, 23 pour cent des enfants béninois de moins de cinq ans présentent des signes de retard de croissance modéré et 11 pour cent des enfants souffrent de malnutrition grave. Réduction d’impôt Le 30 avril, le gouvernement béninois a annoncé qu’il prendrait un ensemble de mesures destinées à faire face à la hausse des prix. Le 1er mai, l’application de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée), une taxe prélevée sur les produits locaux et importés pour financer les services sociaux, a été suspendue pour le riz, la farine, ainsi que d’autres produits de base. Mais cette mesure ne semble pas avoir porté ses fruits. « Il y a eu quelques problèmes de contrôle au niveau des détaillants, dans l’application des mesures prises par le gouvernement », a dit M. Allagbé, le directeur de la promotion du commerce intérieur. Le problème, selon l’économiste béninois Rhétice Dagba, repose sur le fait que le gouvernement n’a aucun moyen de s’assurer que les commerçants font profiter les consommateurs de cette réduction d’impôts. Pour appliquer cette politique, « il faut, si l’on veut être rigoureux, un inspecteur par produit et par marché », a recommandé M. Dagba. Autosuffisance Pour compenser la hausse des prix, le gouvernement béninois promeut également l’autosuffisance alimentaire ; pour y parvenir, selon Roger Dovonou, le ministre de l’Agriculture, il faudrait plus que doubler le volume de production actuel. Au Bénin, comme dans d’autres pays d’Afrique, la politique agricole consiste en effet depuis 30 ans à encourager les « cultures de rente [destinées à l’exportation], au détriment des cultures vivrières », selon l’économiste Rhétice Dagba. Il faudra du temps pour mettre en œuvre cette nouvelle politique d’autosuffisance alimentaire, a-t-il ajouté. Autre solution, à plus court terme : mettre en circulation les réserves alimentaires nationales. « Des céréales seront mises sur le marché », a déclaré à IRIN Iréné Bio Aboudou, directeur général de l’Office national de la sécurisation des produits alimentaires (ONASA). M. Bio Aboudou espère que cela permettra de faire baisser les prix. Mais cette mesure coûte à l’Etat plus de 35 milliards de francs CFA (83 millions de dollars), selon les statistiques officielles. Et jusqu’ici, les prix n’ont pas cessé d’augmenter, a indiqué à IRIN une mère de famille qui faisait ses emplettes au marché. « Ma famille et moi-même avons de plus de plus de difficultés à vivre avec les moyens que nous avons », a-t-elle confié. « À la maison, ils me font sentir que c’est ma faute. Que c’est moi qui ne me débrouille pas bien ».
dimanche 25 mai 2008
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