« Appelez- moi Daddy » dans la violence
Godefroy Macaire CHABI
A vrai dire, en tant que critique du cinéma africain, j’ai toujours eu envie par moments de voir un autre cinéma à l’écran. Avec Jean Van de Velde, je peux dire que c’est fait. Pour tous ceux des cinéphiles qui n’ont aucun état d’âme face à l’horreur, il faudra y songer. Probablement, les réalités décrites n’ont pu donner un autre choix au réalisateur que celui de la violence.
Le contexte est quand même à préciser : l’Ouganda est en proie à la rébellion, et pour combattre les troupes régulières, les rebelles ont trouvé l’idée de puiser leurs combattants parmi les enfants captifs. Ceux-ci ont déjà tué leurs pères, ont vu leurs familles décimés par les attaques rebelles. Ils ont coupé des têtes et des bras sous la contrainte de l’assaillant. Retranchés dans la jungle sous le régime de terreur de Michel Obéké, ancien Ministre de la défense devenu patron de l’Armée sainte de libération nationale, ils sont de véritables machines à tuer. Sachant monter les kalachnikovs les yeux fermés, tirer des grenades sans pitié, ils sont le symbole d’une enfance poussée à la perdition hâtive. Leurs regards innocents sont aussi le témoin silencieux de la honteuse transaction entre le diamant et les armes au milieu de la jungle viabilisée.
Jean Van de Velde fait il autre chose que Jean Stéphane Sauvaire dans Johny Mad Dog et Newton Aduaka dans Ezra? Sur le fond, c’est très facile de répondre par la négative, même si d’un point de vue formel il peut être évident que dans l’armée silencieuse, les choses, ne serait-ce que sur le plan artistique et scénique, me semblent plus graves que dans les deux précédents films qui empruntent le même couloir.
Ce film semble tout simplement habité par l’envie de recréer une réalité à laquelle malheureusement l’humanité est habituée depuis plusieurs décennies déjà, rien qu’en regardant en direction de la Sierra Leone, du Liberia et tutti quanti. Mais le réalisateur pense, peut être, attirer plus l’attention vers son cinéma en se faisant grave, en forçant le trait et en élargissant l’horizon sur un secret de polichinelle. Avouons qu’il n’en avait pas besoin.
Le visage assombri par la peur, le désarroi et l’embarras des adolescents qui retrouvent malgré eux un nouveau papa, alors qu’ils ont déjà perdu les leurs suffisait. « Appelez-moi Daddy », martelait avec cynisme, le Chef rebelle, Obéké.
L’effet psychologique exercé sur sa « troupe » par ce dernier suffisait à lui seul pour rendre compte de l’univers mélodramatique de ces enfants et de l’injustice à laquelle ils étaient soumis.
Ce qui gêne dans ce cinéma, c’est l’impression que le téléspectateur a de confondre le vrai héros du film. Si l’obsession du réalisateur a été effectivement de s’apitoyer sur le sort des enfants, dont le petit Abu n’est que le prototype, il élargit trop l’entonnoir sur des personnages dont on ne peut dire s’ils sont des personnages centraux ou des personnages secondaires. Très peu de personnes ont fait de la figuration dans ce film, hormis le passage très éclair de l’épouse de Edouard, le restaurateur blanc, lui-même logé au centre du scénario pour finir par servir de fil rouge.
Peut être le réalisateur a-t-il éprouvé de la difficulté à se détacher de lui-même, de sa propre personnalité et a essayé assez subtilement de nous ramener vers l’étiquette du blanc, sauveur du noir.
Edouard n’a-t-il pas réussi là ou même le pouvoir africain a échoué en sauvant in extremis Abu qui avait plus sa place au milieu des siens que dans la jungle ou son seul langage était celui des armes?
Le film par moments questionne, responsabilise, montre la nécessité de l’action versus le silence coupable qui caractérise les acteurs locaux. Edouard est le viatique qui incarne ce besoin de lutte et de renaissance.
Pour violent qu’il puisse paraître, on n’a pas à trop s’en plaindre, l’Armée silencieuse, comme film semble quand même promis à un bel avenir. Il n’est pas exclut qu’il soit nominé aux Oscars 2010.
mercredi 29 septembre 2010
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