vendredi 3 avril 2009

CŒUR DE LION, Boubakar Diallo (Burkina Faso)

Au cœur de l’esclavage

Quel est ce lion qui sème autant de panique et de zizanie dans le village ? Samba semble le plus préoccupé, car il n’a aucune intention de lui confier le sort de son bétail. Il va à la recherche du fauve, mais se voit subtiliser sa queue par Tanko le chasseur qui se tient dans la brousse au bon moment. Rien maintenant ne prouve à personne, même pas à sa femme que Samba a été capable d’une si grande prouesse.
Avouons que Boubakar Diallo, le réalisateur provoque un effet « cheval de Troie » ou « trompe l’œil » dans ce film qui traite principalement de l’esclavage, mais qui a le don de distraire tout au début.
Rapidement après la psychose passagère du lion affamé, les villageois semblent moins préoccupés par les vaches qui meurent que par les hommes et les femmes qui disparaissent, les assassinats fréquents, les hommes enchaînés dans la forêt, les jeunes filles soumises aux appétits sexuels des négriers adoubés par Kouta, le Chef de village. Ce dernier plus fasciné par l’appât du gain facile et prêt à toute concession, même les plus sordides, replonge dans l’image de l’Africain complice de l’horreur : la traite négrière.
Comment qualifier un berger qui traque avec si tant d’allant et d’ardeur un lion ? A travers Samba, c’est le courage rigide de ces africains, accrochés à leur fierté et à la défense de la conscience collective que le réalisateur nous montre. « Lorsque le lion s’attaque à ma vache, je deviens chasseur » a déclaré Samba.
On voit bien que pour combattre le mal, « l’homme bon » peut rapidement devenir méchant et imprévisible, au point où il devient facile de faire passer la crinière du lion à Samba plutôt qu’au lion lui même. Ce glissement de l’image bucolique et attachant du berger vers une réalité beaucoup plus agressive et acrimonieuse laisse le soin au spectateur de deviner que le réalisateur traite d’une réalité assez grave dans ce film.

Mais ce film fait appel à un complément évolutif qui s’est uniquement joué dans l’imaginaire de Boubakar Diallo, avec le scénario en échec des négriers qui malgré tout l’investissement n’ont pu faire passer les captifs. Aurions-nous pu imaginer cela il y a plus de 400 ans en pleine traite négrière. Il y a ainsi comme une envie non assouvie de l’auteur qui aurait voulu voir dans l’esclavage, une victoire des faibles sur leurs bourreaux. Aurait-on pu recréer l’histoire jusqu’à ce point ? En 92 minutes, ça risque franchement d’être irréaliste et fantaisiste…. Il aurait fallu que le réalisateur ne traitât que de l’amour pour paraître pertinent et moins vague dans ses approches. Malheureusement moult sentiments s’entrecroisent dans ce cinéma (la méchanceté, la vengeance, la haine, le surcroît de personnalité) où une fois encore l’Afrique est montrée dans un grand classique digne d’un bon film africain de la fin des années 90.




Godefroy Macaire CHABI

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