vendredi 3 avril 2009

BENIN : L’infanticide rituel, un fléau du nord du pays

Mohamed Alidou, la cinquantaine, dirige depuis plus d’une dizaine d’années son ONG « Association pour la protection de l’enfance malheureuse », APEM, intervenant dans le Nord du Bénin. Mais il n’a constaté aucune grande évolution dans la façon dont les populations de cette partie du pays abordent la question de l’infanticide rituel.

« Malgré nos sensibilisations et nos campagnes, ça se poursuit et le phénomène n’a guère diminué, nous nous demandons pourquoi les gens ne comprennent pas », a déploré Mohamed Alidou, le regard rempli d’amertume.

Pourtant, la pratique de l’infanticide rituel, a-t-il expliqué, constitue un véritable crime contre l’espèce humaine.

M. Alidou a laissé entendre à Irinnews que la pratique a cours principalement dans les milieux BOO, Baatumbu et Peul.

« Dans les communes de Ségbana et de Kalalé (des communes du Nord), de témoignages émouvants confirment le massacre d'enfants dans ces localités. Beaucoup d'hommes âgés aujourd'hui de plus de 50 ans ont pu échapper à l’exécution de la sentence sociale. »

Pour M. Alidou, « beaucoup d’enfants ont été sauvés par un Chef traditionnel, Omar KY-SAMA, qui les avait récupérés, et leur a redonné le goût de la vie. Ils vivent aujourd'hui en paix à Ségbana formant un grand quartier au tour de l'ancien site royal. »

« D’autres enfants doivent leur vie au Peul qui ont bien voulu les garder ou aux enseignants alors en poste dans la localité de ségbana. Même sauvés et adulte ils traînent avec eux les préjugés néfastes d’enfants sorciers », a poursuivi M. Alidou.

Les formes d’infanticide rituel

Il ya près de huit façons de tuer l’enfant sur lequel pèsent des préjugés dans ces milieux.

M. Alidou a cité des cas d’égorgements, de noyade, d’empoisonnement, d’envoûtement.

A ce registre, a t-il fait remarquer s’ajoutent des cas de privation alimentaire, de fracas de la tête, d’abandon de l’enfant à un endroit isolé jusqu’à ce qu’il meurt sans aucun soutien.

« Quelle que soit la forme employée, le but recherché est toujours le même, à savoir l'élimination physique pure et simple de l'enfant. »

Le plus souvent, a informé M. Alidou, il s’agit d’une pratique secrète et les bourreaux chargés de la sentence ne sont pas connus de la population.

Mais en règle générale, a-t-il dit, lorsqu’un guérisseur fait un mauvais rêve sur un enfant, ses parents n’hésitent pas dans ces milieux à décider de sa tuerie.

Mais il est bien possible selon lui que derrières de telles allégations se trouvent des raisons de jalousie développée à l’endroit des parents de l’enfant
Sorciers

Les bourreaux se comptent le plus souvent parmi les oncles, les parents proches, le conseil de famille et les féticheurs, informe Victor Akpovi, journaliste et auteur d’un magazine sur l’infanticide rituel.

Embrigadés par la tradition et enfermés dans des mentalités rétrogrades, les pratiquants désignent les enfants victimes de l’infanticide par des termes souvent courants dans ces milieux à savoir :"sorcier qui boit le sang humain". C'est aussi le "mangeur d'homme" , "le malfaiteur" ou l’enfant maudit.

Des préjugés socio-culturels

Dans les sociétés du Nord Bénin, la pratique de l’infanticide rituel repose sur des considérations d’ordre culturel, a affirmé M. Alidou.

Les raisons pour lesquelles un enfant est condamné à mort dans ces sociétés du Nord-Bénin par ses propres géniteurs mort sont nombreuses.

M. Alidou a évoqué la naissance avec les dents, la naissance sans cris de l’enfant, la présentation des fesses à la naissance, la présentation des pieds à la naissance, la présentation de la face contre le sol, l’enfant sourd-muet.

Une pluie d’explications

Selon Ya Mouda, une vieille de 70 ans, ces caractéristiques retenues par la société comme étant des malformations ont un sens.

Elle a indiqué à Irinnews que par exemple que « l’enfant qui naît avec la dent est considéré comment venant au monde pour "dévorer" des êtres humains, surtout s'il s'agit d'une fille, elle tue tous ses parents maternels y compris sa propre mère. S'il s'agit d'un garçon, il tuera toute sa famille paternelle en commençant par son père ».

Par ailleurs, elle a expliqué que l’enfant qui présente les pieds à la naissance atterrit sur le monde et prêt à la dominer.

Conséquences dramatiques

Les conséquences sont nombreuses, et M. Alidou Président de l’APEM a notamment souligné les impacts négatifs au niveau individuel et familial avec la possibilité d’une réduction des membres de la famille.

Par ailleurs, selon lui l’infanticide pose un problème de santé publique qui se perpétue dans le pays.

Dans un autre sens, il n’a pas manqué de mentionner l’accroissement du taux de mortalité infantile dans les zones endémiques.

« Nous n’avons pas les chiffres exacts, mais il n’est pas exclu que ce phénomène participe à la mortalité infantile », a-t-il dit.

A Bori, un village du Nord-Bénin, M. Alidou a informé que plusieurs enfants sont encore chez les guérisseurs sous prétexte qu'ils sont "mal nés".
« Ces enfants n'ont pas l'aspect des enfants de leur âge qui sont bien nourris. » a-t-il précisé

Godefroy Macaire CHABI

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