Difficile pour lui de respirer l’ai pur. Jean Paul se sert d’un petit tissu blanc pour se protéger les narines derrière le conducteur de taxi moto qui le transporte. Malgré cela, il ne cesse d’éternuer. Au loin, un épais brouillard de fumée s’élève et submerge les engins à deux roues et les véhicules qui attendent à un feu tricolore. C’est une catastrophe ! Le spectacle est permanent à Cotonou, la capitale économique du Bénin. Une ville qui se cherche entre forte urbanisation et problèmes environnementaux et qui a réussi ainsi à se faire une place dans le hit parade des villes les plus polluées au monde.
« Je ne viens à Cotonou que lorsque c’est vraiment utile, sans quoi je préfère rester dans ma campagne », a confié un instituteur en service à Ouagbo, une localité rurale à 70 km au Nord de Cotonou, venu toucher son salaire au service du Trésor public à Cotonou
Vivre à Cotonou est devenu un pis-aller pour beaucoup de béninois qui y ont établi toutes leurs activités et y travaillent. C’est aussi un casse-tête pour les visiteurs étrangers qui font la remarque dès qu’ils franchissent l’aéroport pour atteindre le centre ville.
« Qu’est ce qu’on fait pour mettre fin à cette situation ? » s’est interrogé un visiteur occidental au cours d’une promenade diurne.
«On sanctionne mais ça reste. Pour moi la lutte reste encore un mythe.», s’est indigné Wilfrid Mongazi, spécialiste de l’environnement au Ministère béninois de l’environnement.
« La population augmentant et les comportements n’ayant pas fondamentalement changé, je ne suis pas sûr d’une amélioration de la situation », a renchéri Mathieu Houinato, Coordonateur de programme environnement au Programme des Nations Unies pour le développement, PNUD à Cotonou.
Pourtant, il y a quelques jours le Ministre de l’environnement Juliette Biao Koudénoukpo a indiqué que la situation de la pollution de l’air a beaucoup évolué positivement ces dernières années au Bénin en diminuant de 12%. Elle cite notamment les efforts à savoir : le contrôle des émissions de gaz d’engins, la formation des mécaniciens au réglage, l’acquisition d’un véhicule laboratoire de contrôle de la qualité de l’air
Motos, autos, essence et embouteillage
La pollution atmosphérique à Cotonou s’explique principalement par les nombreuses motos qui inondent ses routes. Elles sont évaluées à près de 100 000. Une statistique effrayante que rend possible l’envahissement progressif du marché par des engins à deux roues provenant d’Asie.
Les conducteurs de taxi motos communément appelés Zémidjans (prends-moi rapidement en langue fon, une langue du pays) en détiennent le record. Ils sont aujourd’hui évalués à plus de 80 000 et facilement identifiables par leurs blousons jaunes.
Ces taxi-motos sont des engins à deux temps, ce qui d’après les spécialistes participe à une production exagérée de fumée.
D’ailleurs, le Ministère béninois de l’environnement a situé à 83 tonnes le gaz carbonique émanant de l’activité journalière de ces motos.
Face à cela, le gouvernement a annoncé depuis 2006 une stratégie de remplacement de ces moteurs à deux temps par ceux à quatre temps reconnus moins pollueurs.
Au Bénin, beaucoup se demandent s’il ne faut pas aller au-delà de cette mesure, car il y a un lien entre l’inexistence d’un système de transport en commun et le phénomène des taxi-motos.
« Dès que le transport en commun sera effectif, personne ne prendra les Zémidjans. Et les propriétaires des motos les abandonneront aussi. Tant qu’il n’y aura pas cela, le problème va demeurer », a dit Marguerite, une jeune fonctionnaire de l’administration publique rencontrée à Saint Michel, une des zones les plus polluées de Cotonou.
En outre, dans une ville dont le port constitue la porte de débarquement des véhicules d’occasion communément appelés « Venus de France », des centaines de voitures usagers et souvent amortis rejoignent quotidiennement le parc automobile quotidiennement. Malgré elle, la population y recourt car n’ayant pas les moyens de s’acheter des véhicules à l’état neuf.
Le Ministère béninois des transports et celui de l’environnement ont situé la moyenne d’âge des véhicules à plus de 13 ans avant leur arrivée au Port de Cotonou.
Un autre phénomène, c’est la prolifération du commerce de l’essence de la rue appelée « Kpayo, voulant signifier essence de moindre qualité en langue fon », à cause de son fort dosage en plomb.
Ce commerce que favorise la proximité avec le Nigeria « reste une épine aux pieds de toute stratégie de lutte contre la pollution », a souligné le Professeur Blaise Koudogbo, Président de l’ONG « Stop nuisances » dont le siège est à Porto novo au Bénin et qui vise à réduire les nuisances de tous genres à la qualité de la vie dans les capitales africaines.
Dans les stations service du pays, le ministère de l’environnement affirme avoir réussi à obtenir la suppression du plomb dans l’essence dans le cadre d’un projet sous régional ouest africain.
« Mais on n’a pas d’instrument de mesure pour montrer que le plomb a vraiment disparu. Puis, l’essence de rue est toujours présente avec son plomb et moins chère. » a déploré M. Mongazi.
Par exemple dans les stations services du pays, l’essence à la pompe est vendue à 650 FCFA contre 400 FCFA sur le marché noir. Une réalité qui n’encourage pas les consommateurs à se ravitailler dans les stations.
Il est temps qu’on créé un laboratoire d’analyse, car on se trompe beaucoup pour la pollution, a-t-il souligné.
L’ONG Stop Nuisances entend d’ailleurs se constituer en un espace scientifique de contrôle et de vérification de toutes sortes d’éléments de nuisances à l’environnement et à la santé des individus, a annoncé son Président Blaise Koudogbo.
Souvent occulté dans l’analyse, le plan de circulation dans les villes, notamment à Cotonou constitue, selon M. Mongazi l’un des facteurs favorables au développement de la pollution.
Depuis 2006, le nouveau pouvoir semble l’avoir compris en faisant une politique de construction d’échangeurs et de passerelles pour décongestionner la ville. D’ici 2011, Cotonou devrait abriter définitivement quelques unes de ces infrastructures.
Ces caniveaux qui puent
Aline, une aide à domicile sans scrupule s’abaisse pour déverser l’eau de vaisselle dans un caniveau du centre de Cotonou. Elle n’est pas au premier essai, puisqu’elle affirme sans regrets agir ainsi plusieurs fois au cours d’une même journée. Et, inutile d’imaginer le nombre de personnes qui font la même chose qu’elle dans la capitale économique.
Résultat, Cotonou présente une puanteur rigide, surtout que la plupart des caniveaux sont ouverts et regorgent des matières putréfiantes.
« Les gens ne veulent pas changer d’habitudes, malgré la campagne. Les caniveaux servent à tout aujourd’hui. C’est dommage », a déploré Basile Gbaguidi, Directeur des services techniques de la Mairie de Cotonou.
Les zones marécageuses contribuent également à cette forme de pollution de l’air, « car elles constituent des poubelles à ciel ouvert et des lieux de défécation pour les populations qui ne sont pas réprimées », s’est indignée un habitant de Akogbatou, quartier périphérique de Cotonou.
Des malades qui s’ignorent
Paul Djimadja a confié à IRIN que depuis deux ans, il traîne une sinusite doublée d’une bronchite. D’après son médecin, cela est dû au fait qu’il s’expose à la fumée.
« La pollution est banalisée par les populations du fait qu’il ne leur a pas été établi une relation causale entre la pollution et la maladie et la mort subite. Donc, tant qu’on peut supporter, ce n’est pas grave. Les populations ne perçoivent pas l’effet quotidien et cumulatif sur la santé », a souligné Mathieu Houinato, Coordonnateur de programme au PNUD à Cotonou.
Selon, M. Houniato, c’est l’une des raisons pour lesquelles il y a une persistance du phénomène.
Pour M. Mongazi, « c’est à l’âge de vulnérabilité qu’on a parfois les premiers signes, voilà pourquoi, il faut attirer l’attention des plus jeunes sur le danger dès maintenant. Ce sont eux qui vont nous aider »
Soliou Badarou, Médecin, spécialiste en santé de développement au Bénin a fait remarquer que « les impacts sur la santé sont nombreux. Il y a l’augmentation des affections ORL (Otto Rhino Laryngologie). C’est ainsi que beaucoup de personnes traînent des asthmes, des allergies naso sinusiennes, les cancers. Les affections de sang à l’image des leucémies sont aussi dans la liste. A cela il faudra ajouter les irritations des yeux et bien d’autres maladies. La pollution de l’air par du benzène est aussi responsable du cancer du sang. »
« La pollution est aussi dangereuse dans ce pays que le paludisme », a-t-il noté.
Godefroy Macaire CHABI
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