COTONOU, 21 octobre 2008 (PlusNews) - La peur d’être testé positif au VIH, le trop faible nombre de donneurs et le manque de formation des travailleurs sanitaires ont mené le Bénin à se retrouver dans une situation de pénurie de sang dangereuse, a prévenu le responsable de l’association nationale des donneurs de sang. Selon Rynce Agassoussi, président de l’Association béninoise des donneurs bénévoles de sang, depuis le début de l’année 2008, le sang fait cruellement défaut dans huit des 12 banques de sang du pays. La situation est moins critique dans les quatre banques des départements restants –l’Atacora et Donga, dans le nord, et le Mono et Couffo, dans le sud- grâce au Projet d’amélioration de la sécurité transfusionnelle, PASTAM, mené par la coopération belge. Le taux de couverture laisse « au moins 25 pour cent des gens [en attente de sang] mourir bêtement », a regretté M. Agassoussi, notant cependant qu’il était difficile de savoir combien de personnes étaient décédées par manque de transfusion sanguine, dans la mesure où les hôpitaux n’indiquaient pas cela comme cause du décès. « Au CNHU [Centre national hospitalier et universitaire, le plus grand hôpital du pays, à Cotonou], tous les soirs, des gens arrivent, en détresse. Ils ont des parents qui ont besoin de sang, mais impossible parfois de leur trouver la moindre goutte. Ils repartent bouleversés », a-t-il dit. Le professeur André Bigot, chef de service de la banque de sang au CNHU, a dit à IRIN que la situation était grave. « Nous avons eu des [patients atteints de] leucémie, de drépanocytose, qui avaient besoin de sang mais n’en ont pas eu », a-t-il dit.
Manque de matériel
Le manque de matériel constitue l’un des multiples obstacles au don de sang, a noté M. Agassoussi. « Parfois le donneur est disponible, mais il n’y a pas de poche pour recueillir son sang », a-t-il témoigné. Selon Augustin Vodounon, technicien de laboratoire au service départemental de prélèvement du sang à Cotonou, « l’absence de matériels ne date pas d’aujourd’hui, mais ces derniers mois, la situation est devenue intenable. Il y a pénurie notamment de réactifs dans tout le pays. On ne peut pas prendre le sang sans le tester ». L’association des donneurs estime qu’il faudrait jusqu’à deux millions de dollars pour acheter suffisamment de réactifs pour couvrir l’ensemble des besoins du pays. Le ministère de la Santé alloue 1,2 million de dollars au fonctionnement des 12 banques de sang du pays, selon M. Agassoussi. Les procédures de passation de marché et d’approvisionnement en réactifs sont longues, et sans ces produits, le sang collecté ne peut être utilisé, a-t-il ajouté.
La peur du VIH
Paradoxalement, ce sont les tests permettant de garantir la sécurité du sang qui découragent certains donneurs, a expliqué M. Agassoussi. « Beaucoup [de gens] ont peur de venir donner leur sang car ils craignent que les analyses ne révèlent qu'ils ont le VIH. Les gens ont aussi peur de beaucoup d'autres maladies comme l'hépatite. C'est une réalité à laquelle on est confronté », a-t-il dit. « Nous pensons que la [baisse du nombre] de donneurs ces dernières années s'explique en partie par cet état de chose, même si il y a beaucoup d'autres raisons ». Une crainte qu’Alain Boton, un étudiant, a confirmée. « Jamais je ne [donnerai mon sang] », a affirmé le jeune homme. « Je sais très bien que les gens ont besoin de sang, mais il ne faut pas qu'en allant les sauver, je me créé des problèmes psychologiques. Je préfère vivre paisiblement comme si de rien n'était ». Un habitant de Cotonou, qui s’est présenté comme Benoît N., a dit qu’il n’accepterait d’être donneur qu’à une condition. « S’il n’y avait pas de tests, je donnerai volontiers mon sang. Mais à partir du moment où mon sang est soumis à différents tests qui peuvent révéler des maladies douteuses, j’aurai des problèmes ». Les gens prêts à donner leur sang existent, particulièrement parmi les étudiants, a noté M. Agassoussi, mais ils sont peu fiables. « Nous collectons généralement deux fois plus de sang parmi les étudiants que dans les centres de dons. Mais lorsque vient le moment des vacances ou des examens, ils disparaissent ».
Problèmes du système de santé
Le responsable national du PASTAM, le docteur Edgar Lafia, a estimé que les pénuries de sang étaient également en partie dues à un système sanitaire désorganisé. « Il faut une infrastructure d’accueil, un laboratoire bien équipé, des réactifs disponibles et un personnel qualifié », a-t-il noté. Le gouvernement a néanmoins fait des efforts pour améliorer le système au cours des dernières années, selon lui, avec le soutien de coopérations bilatérales, notamment la Suisse, la Belgique et l’Allemagne. M. Bigot, du CNHU, a aussi pointé du doigt les multiples grèves nationales de personnels de santé réclamant de meilleures conditions de travail. « L’engouement des donneurs a pu s’émousser s’ils ont été reçus par des travailleurs sanitaires démotivés, frustrés par leurs conditions de travail », a-t-il dit. Au Bénin, les donneurs réguliers et les donneurs fidèles ne dépassent pas les 4 000 par an, sur une population de près de huit millions d’habitants, selon l’association nationale des donneurs bénévoles de sang. A ces donneurs réguliers s’ajoutent les donneurs occasionnels : ils étaient 15 000 en 2007. Avec les grèves enregistrées en 2008, M. Agassoussi craint que les dons connaissent une baisse cette année.
Les patients se tournent vers l’extérieur
Face à la situation de crise, de nombreuses personnes se sont tournées vers des pays voisins, notamment le Togo et le Nigeria. « Il y a quelques jours, j’ai été obligé d’aller acheter du sang au Togo, je n’avais plus le choix », a dit à IRIN Aline, qui s’était, dans un premier temps, adressée au CNHU de Cotonou pour trouver le sang dont sa mère malade avait besoin. Pour M. Bigot, « c’est une honte qu’on en soit arrivé là ». Au Bénin, une poche de sang subventionnée par le gouvernement coûte l’équivalent d’environ quatre dollars, alors que les patients payent trois à quatre fois plus cher hors du Bénin. Face au danger, la banque de sang du CNHU, dont la mission principale est le stockage des lots sanguins, s’est reconvertie dans le prélèvement des dons. L’association des donneurs bénévoles tente quant à elle de mobiliser les populations pour les inciter à se rendre dans les centres de collecte. « Si le tapage sur le don de sang était le dixième de ce qu’on fait sur le sida, on pourrait éviter beaucoup de dégâts et de pertes en vies humaines », a dit M. Agassoussi
Godefroy Macaire CHABI
mercredi 29 octobre 2008
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