« Le tapage qu’on fait sur le Sida, si on peut faire le dixième sur le don du sang, on pourrait éviter beaucoup de dégâts et de pertes en vies humaines ». Cette réaction de Rynce Agassoussi, Président de l’Association béninoise des donneurs bénévoles de sang, créée en 1974 résume la situation que traverse actuellement le pays.
En effet, depuis le début de l’année, le sang fait cruellement défaut au niveau de 8 des 12 banques de sang que compte le pays. Dans 4 autres départements, la situation est moins criarde, car la coopération belge suit les choses à travers le Projet d’amélioration de la sécurité transfusionnelle dans les départements de l’Atacora/Donga et du Mono-Couffo, PASTAM.
Résultat, 75% des demandes sont satisfaites dans le pays.
« Il y a 25 % qui meurent au moins » a laissé entendre M. Agassoussi qui s’est demandé, « pourquoi laisser les gens mourir bêtement ? »
« Au Centre national hospitalier et universitaire, CNHU, le plus grand hôpital du pays à Cotonou, tous les soirs, les gens arrivent, en détresse. Ils ont des parents qui ont besoin du sang. Mais impossible parfois de leur trouver la moindre goutte. Ils repartent bouleversés» a raconté Rynce Agassoussi.
Le Professeur André Bigot, Chef service banque de sang au CNHU de Cotonou, parle d’une situation très grave, « du jamais vu de mémoire d’homme ».
« Au service d’hématologie, il y a eu des leucémies, des drépanocytaires qui avaient besoin de sang mais n’en ont pas eu », a-t-il confié
Selon lui, « il n’existe malheureusement pas de statistiques précises pour situer le nombre de victimes de cette situation, car les maladies meurtrières liées au manque de sang sont nombreuses».
« Les hôpitaux ne communiquent pas là-dessus », a renchéri M. Agassoussi.
Illustration réelle de la situation, en 2006, les services de prélèvement au Bénin sont parvenus à collecter près de 90 000 poches de sang. En 2007, ce chiffre est descendu à 60 000 poches. Un chiffre encore loin de l’objectif des 200 000 poches que se sont fixés l’ensemble des intervenants du secteur.
Manque de moyens
« L’absence de matériels ne date pas d’aujourd’hui, mais ces derniers mois, la situation est devenue intenable. Il y a pénurie notamment de réactifs dans tout le pays. On ne peut pas prendre le sang sans le tester », s’est désolé Augustin Vodounon, Technicien de laboratoire au Service départemental de prélèvement du sang Atlantique Littoral.
« Pas de poches, pas de réactifs, si on ne règle pas cela, on peut aller jusqu’en 2020, le problème va demeurer » a-t-il poursuivi.
« Le sang prélevé n’est pas celui qu’on donne aux demandeurs. Il faut un minimum de bilan, d’examen biologique et de recherche virologique. Or sans cela nous ne pouvons rien faire », a indiqué le Professeur André Bigot
« Parfois le donneur est disponible, mais il n’y a pas de poche pour recueillir son sang », a témoigné Rynxe Agassoussi.
Chaque année, il faut environ un milliard de FCFA pour couvrir les besoins en réactifs.
Le Président de l’Association des donneurs bénévoles a expliqué que « si on repartit bien les fonds, c’est possible d’atteindre les résultats. Malheureusement, ce n’est pas cela et les procédures de passation de marchés de réactifs sont lentes».
Fonctionnant avec un personnel réduit, 2 à 3 agents voire inexistant, les services de collecte mobile doivent faire face également à l’inexistence moyens de déplacement.
«On passe les véhicules pour aller sur le terrain. Le jour où on en trouve pas, on est bloqués », a noté M. Agassoussi.
Le responsable national du Projet d’amélioration de la sécurité transfusionnelle dans les départements de l’Atacora/Donga et du Mono/Couffo, PASTAM, le Docteur Edgar Lafia a observé un manque d’organisation général au niveau des gestionnaires du système de santé.
« Il faut l’infrastructure d’accueil, un laboratoire bien équipé, des réactifs disponibles et un personnel qualifié » a-t-il proposé
Néanmoins, il a reconnu que chaque année, le gouvernement fait des efforts, en associant surtout des partenaires bilatéraux comme la Suisse, la Belgique et l’Allemagne. Grâce à la coopération belge par exemple, le PASTAM fonctionne depuis 2006.
Le secours dans les pays voisins
« Il y a quelques jours, j’ai été obligé d’aller acheter du sang au Togo, je n’avais plus le choix », s’est exprimé Aline qui a accompagné sa mère malade au CNHU de Cotonou.
Face à la situation de crise, de nombreuses personnes se sont tournées notamment vers le Togo et le Nigeria.
Au Bénin, la poche est vendue officiellement à 2000 fcfa dans les établissements sanitaires, gros consommateurs.
Parfois, les demandeurs sont obligés de l’acheter 3 ou 4 fois plus cher dans ces pays.
« C’est une honte qu’on en soit arrivé là », s’est désolé le Professeur André Bigot.
Face au danger, la Banque de sang du CNHU dont la mission est le stockage du sang s’est reconvertie au travail de prélèvement.
Le Professeur Bigot lie aussi ce développement aux nombreuses grèves des paramédicaux qui ont débrayé, réclamant de meilleures conditions de vie et de travail.
Au Bénin, les potentiels donneurs de sang sont les élèves. Pendant les vacances ou à l’approche des examens de fin d’année, on ne les voit plus.
M. Agassoussi a indiqué que dans les établissements, le minimum de poches récolées est de 80, parfois 100 par jour à chaque sortie de l’équipe mobile. Alors que dans les postes fixes de prélèvement, le chiffre dépasse rarement les 40 poches.
Au Bénin, les donneurs réguliers et les donneurs fidèles ne dépassent pas les 4000 sur une population de près de 8 millions d’habitants. Les donneurs occasionnels font augmenter le chiffre par moments. En 2007, par exemple 15 000 béninois au total ont donné leur sang.
« L’engouement des donneurs peut être aussi émoussé s’ils sont mal reçus par des agents démotivés et frustrés de leurs conditions de travail », a averti le professeur André Bigot.
Godefroy Macaire CHABI
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