Godefroy Macaire Chabi
L’enjeu est de taille. L’appétit mondial pour l’électricité connaît un accroissement qui inquiète le monde scientifique. La tendance va malheureusement se poursuivre et une réflexion sérieuse doit être menée sur les options technologiques possibles pour produire, distribuer et stocker l‘ électricité. Autrement, les prochaines décennies donneront du fil à retordre à toute la planète.
Des chercheurs réunis au Perimeter Institute à Waterloo du 05 au 09 juin à l‘initiative du Waterloo Global Science Initiative, ont alors exploré les voies et moyens pour garantir l‘avenir énergétique du monde, à un échéancier aussi court que 2030. Cette fois-ci, le problème est analysé à partir d‘une perspective scientifique. Même si trois approches technologiques ont émergé, c‘est surtout l‘exploration du nucléaire qui représente la pierre de touche de la réflexion. Les deux autres voies possibles étant en définitive les sources géothermiques et les énergies renouvelables.
Agir vite, semble le mot d’ordre des chercheurs au regard du contexte et des défis subséquents. D’ici à 2050, la demande mondiale d’électricité va doubler de 16,5 térawatts à 30 térawatts. Objectif colossal. Derrière ce défi se cache bien d’autres dont le plus important reste la limitation de l’émission du carbone dans les formes d’énergie à privilégier.
L’autre enjeu est celui du coût relié à l’accès à l’énergie. Le chercheur algérien au Centre européen pour la recherche nucléaire, CERN basé à Genève en Suisse fait partie de ceux qui donnent l’alerte sur la question.
« Il est clair que nous paierons notre énergie beaucoup plus chère d’ici à 2030, en même temps que nous n’en aurons pas assez » a t-il prévenu.
Effectivement, la facture énergétique sera trop élevée pour le monde dans les prochaines années avec l’augmentation progressive du prix de certaines énergies fossiles, actuellement prisées et dommageable à l‘environnement. Un coût que les pays développés et quelques autres nations émergentes pourront facilement supporter, ce qui ne sera le cas des pays pauvres, précise Yacine Kadi
« On ne peut pas s’affranchir totalement du nucléaire », a ajouté un chercheur australien présent aux discussions.
Le nucléaire « propre», un succédané
S’il y a un exploit à mettre sur le compte du sommet scientifique à Waterloo, l’Equinox Summit Energy 2030, c’est d’avoir pu réellement assumer l’idée d’une énergie « verte et propre », même si ce n’est pas très nouveau. Le chercheur du CERN Yacine Kadi a surtout rappelé à ses pairs la nécessité d’explorer « une source dont la densité est élevée». « C’est une source primaire qui permet de produire de l’électricité d’une manière abondante », a notamment indiqué M. Kadi
Le document final de la réunion a surtout campé le ton sur les capacités de faible émission de carbone à large échelle du nucléaire.
Selon de nombreux chercheurs, c’est la seule voie pour fermer le cycle du combustible dangereux.
Reste à évaluer les contrecoups. Car les reproches faits à l’industrie sont toujours présents et concernent sa sécurité et les déchets radioactifs qu’elle génère.
« Le bémol, affirme M. Kadi, c’est que l’énergie nucléaire a des problèmes, on n’est pas à l’abri d’un accident catastrophique, et elle produit des déchets nucléaires et sa conception est basée sur l’uranium et le plutonium, mais nous avons les moyens, les technologies pour nous affranchir de ces fléaux et rendre le nucléaire plus propre, vert et démocratique, un nucléaire qu’on pourrait déployer partout dans le monde ».
La révolution s’appelle thorium
S’il est désigné par provocation comme « le nucléaire des pauvres », c’est surtout parce qu’on a voulu en rajouter à la nécessité de regarder dans cette direction si l’on tient à faire du nucléaire propre et sans danger. Notamment en raison de son seuil assez faible de risques, fait-on remarquer.
« Le combustible nucléaire beaucoup plus abondant et qui nous empêcherait de produire du plutonium, c‘est le thorium, a notamment expliqué M. Kadi avant de préciser « qu’en combinant cela avec un accélérateur de particules, il est possible de prévoir le fonctionnement des réacteurs en mode sous critique ce qui nous permettrait d’avoir des niveaux de sûreté et de s’affranchir de possibles accidents »
Il y a ici l’avantage en y optant de lever la confusion entre le nucléaire comme élément d’influence militaire et facteur de développement économique.
« Si on le démocratise et le dédiabolisons pour le rendre plus accessible il peut durer pendant des années et peut être une source sûre », a rassuré M. Kadi
« Je pense que si on regarde la manière dont le nucléaire s’est développé à travers le monde, c’est une industrie surveillée, institutionnalisée, qui ne nous met pas à l abri certes, mais c’est très régulé » a t-il poursuivi .
Le mix énergétique
Le problème de l’énergie est urgent et pour le régler il est impossible d’attendre.
L’horizon 2030 est trop éloigné, reconnaissent les chercheurs, mais c’est le compromis idéal entre l’urgence à trouver des sources énergétiques pour la consommation mondiale et les moyens à réunir pour y parvenir.
Pour les pays en développement, notamment ceux d’Afrique, « l’établissement du nucléaire ne se fera pas en se claquant le doigt, cela passera par la formation et une culture du nucléaire, il faut alors profiter de ce temps pour mettre en place cette culture et planifier », a fait remarquer Yacine Kadi.
Penser également à un mix énergétique qui intègre les énergies renouvelables en attendant de faire un choix du futur est le plaidoyer provisoire et réaliste, selon le Professeur Eric Prouzet de l’Institut de nanotechnologie de l’Université de Waterloo au Canada .
« Pour les pays en développement que pour ceux développés, rien n’est à négliger. Tout est à prendre en considération, car tout contribue pour l’heure à la solution », a fait remarquer M. Prouzet.
jeudi 9 juin 2011
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire