La symbolique médiatique de la libération
Godefroy Macaire CHABI
Le monde entier a assisté ces dernières heures en direct à l’opération de sauvetage des 33 mineurs chiliens engoncés pendant 68 jours au fond d’une mine de San José. Pour une énième fois, les caméras des télévisions du monde ont jeté leur dévolu sur cet épisode contribuant à tourner ce qui relève d’un scénario de cinéma. Les médias ont démontré ainsi leur appétit incompressible pour ce qui va au delà de l’information et se rapporte à l’humain et à sa condition.
Finalement l’intérêt que le monde entier a porté à cet évènement traduit en psychologie de la communication l’envie de démontrer toute une sensibilité au drame humain. Le pari a été largement gagné.
Mais les médias classiques que sont la télévision, la radio et la presse écrite ne nous ont-ils pas eux autres habitué au fait que l’information qui impacte le grand nombre était leur tasse de thé ? Là encore, nous devrions y être, à en juger par la cohérence presque agressive de leur démarche : 33 mineurs abandonnés aux roches à plus d’un demi kilomètre de profondeur, non seulement ça suscite le pathos de l’ensemble de la planète, mais cela implique des centaines de milliers de personnes dans un contexte sud américain où quoique en phase de modernisation avancée, la notion de solidarité, de famille et de groupes sociaux reste marquée.
Pour ceux qui y ont vu de l’exagération ou du harcèlement médiatique, il y a probablement moyen de les ramener à la raison et d’opposer l’argument basique qui fondent la vision des médias, ainsi décrit ci-dessus.
Il y a peut être lieu aussi de s’interroger sur la limite morale à ne pas franchir par le système médiatique ou tout simplement « l’effet médiatique » dans ce genre de drame. Au Chili, ça s’est fort heureusement bien terminé et l’indifférence voire l’insouciance médiatique face au déchirement intérieur des familles des mineurs semble probablement anecdotique par rapport à ce qu’elle avait été quelques mois plus tôt lors du tremblement de terre dans ce même pays.
La concurrence médiatique enlève malheureusement à l’effet médiatique toute rationalité le contraignant à développer un semblant de compassion qui sape la profondeur du drame. Tout cela parce que les médias sont embarqués dans le processus de leur propre propagande (T. Adorno) en s’appuyant de plus en plus sur les ingrédients que leur offre malheureusement la nature.
S’ils ont donné à voir, à entendre et à lire à temps réel et au plus près de l’évolution du sauvetage chilien, ce n’est pas forcément parce qu’il est dans leur intérêt que l’opération connaisse un tel dénouement. Une chose qu’on ne dira jamais, c’est que la fonction médiatique est aussi celle du chaos, du désespoir et de l’échec. Le probable insuccès de l’opération aura provoqué une autre frénésie, nourri d’autres excitations et entretenu une fièvre mondiale dont l’effet dépasserait la récolte du succès. Le pouvoir Pinera et ceux qui l’ont précédé se verrait ainsi brocarder sur leur incapacité à mettre de la discipline dans une filière. Et dans un effet d’emboîtement, d’autres critiques apparaîtront sur bien des aspects. Il semblerait bien que le déploiement de la machine ne serait pas insensible à cette éventualité.
Alors, les premiers qui raconteront ce « chaos éventuel » seraient frappés d’un maximum de crédibilité aux yeux de leur public, contribuant ainsi à « l’effet Mainstream » (Frédéric Martel) recherché continuellement par l’industrie médiatique.
C’est aussi comme cela que se développe la mentalité médiatique dans un dualisme compassion-cynisme dont elle n’a pu se sortir jusqu’ici.
jeudi 14 octobre 2010
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